par colporter dans les rues des petits pains et des gâteaux qu’il achetait à la douzaine et revendait en détail. Il ne s’enrichissait pas à ce métier, mais il apprenait à se lever tôt, à travailler dur et à connaître le prix de l’argent. Chose singulière ! cet enfant qui eut tant de peine à gagner ses premiers sous, et plus tard ses premières livres sterling, fut l’homme le plus généreux et le plus libéral le jour où la fortune le combla de ses faveurs méritées. De son enfance pénible et négligée, il lui resta un grand fonds d’amour et de compassion pour les petits, les humbles, les maltraités de la vie. A certaines épreuves, le cœur s’ouvre, large et tendre, ou se ferme à jamais. Heureusement pour lui et pour les pauvres, il n’était pas de ceux dont le cœur se ferme.
Il s’instruisit lui-même, comme il put, apprit à lire et à écrire, essaya divers métiers et dut y renoncer, non faute d’application, mais par excès de conscience. Cordonnier, il n’employait que le meilleur cuir, soignait son travail et devait vendre ses produits à un prix trop élevé pour ses pratiques ou les céder à perle. En outre, il avait un tour d’esprit ingénieux qui l’entraînait toujours hors des sentiers battus, le poussait à chercher de nouvelles méthodes, à créer de nouveaux procédés. Le démon de l’invention s’agitait en lui. Employé par son oncle dans une fabrique de jouets, il suggérait des améliorations, plus préoccupé d’innover que de fabriquer. Son imagination, constamment en éveil, lui jouait d’autres tours. A vingt-deux ans, il s’éprenait d’une de ses cousines, l’épousait, plus riche d’espérances que de réalités, et rencontrait, comme sir Henry Bessemer, le bonheur dans cette imprudente union.
Mais, dans l’écheveau passablement embrouillé de la vie humaine, les jours heureux et les jours sombres se croisent, s’emmêlent et se succèdent. Il ne suffit pas de mettre la main sur le bonheur ; pour en jouir, il faut vivre, et Josiah Mason était à peine marié que les moyens d’existence lui manquaient. Son oncle vendait sa fabrique et Josiah se trouvait sur le pavé. Sans place et sans argent, il lui fallait se retourner, trouver autre chose. La Providence, qui n’abandonne pas ceux qui ne s’abandonnent pas eux-mêmes, lui fit rencontrer un bon Samaritain, M. Heeley, qui le connaissait de vue, mais qu’il ne connaissait pas. M. Heeley avait remarqué ce jeune homme industrieux et ingénieux ; il augurait bien de son avenir et s’intéressait à lui. Le sachant sans emploi et le voyant soucieux, il l’aborda dans la rue :
— Vous êtes M. Mason ?
— Oui.
— Sans emploi
— Oui.