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veut encaisser, puis la distribue entre les contribuables. C’est un impôt de quotité, « si le produit total de la taxe n’est pas connu d’une manière précise » au moment où on l’établit, et si chacun paie « une quote-part déterminée » de son revenu ou de son capital[1]. L’eisphora athénienne paraît avoir été an impôt de répartition. Toutes les fois que les auteurs nous renseignent sur le montant de cette taxe, ils donnent des chiffres ronds, comme, par exemple, 60 ou 200 talens, ce qui ne s’accorde guère qu’avec le premier système. De plus, les termes dont se servent les lexicographes anciens pour désigner, soit le travail qui consistait à taxer les citoyens, soit les fonctionnaires chargés de ce soin, impliquent l’idée de répartition plutôt que de quotité.

D’ordinaire, quand il s’agit d’un impôt de répartition, l’autorité suprême de l’état se contente d’arrêter la somme qui sera due par chacune des grandes circonscriptions du pays ; dans celles-ci, les autorités locales procèdent de même à l’égard des districts secondaires ; et, de proche en proche, on finit par atteindre les individus. L’Attique était subdivisée en dèmes. Il eût été, semble-t-il, naturel de foire entre les dèmes une première répartition. Peut-être y aurait-on songé, si l’eisphora avait été un impôt foncier. Mais comme la matière imposable était ici le capital tout entier, et que d’ailleurs les domaines des particuliers, loin d’être d’un seul tenant, étaient généralement disséminés dans ; toute l’Attique, la loi exigeait que les déclarations des biens fussent apportées à la ville. C’est donc à Athènes qu’étaient réunies les matrices des rôles, et c’est là seulement que la répartition était possible. Au reste, la besogne n’était pas très compliquée, s’il-est vrai qu’il n’y eût pas plus de 9,000 contribuables.

Personne, parmi ceux qui avaient le cens voulu, n’échappait à l’impôt. La règle, sur ce point, était inflexible. L’exemple de Démosthène atteste que les enfans mineurs subissaient à cet égard la loi commune. Toute association qui possédait un bien indivis acquittait également la taxe. Quand une phratrie louait une terre, elle la cédait généralement au fermier, libre de toute charge, ce qui veut dire que l’impôt demeurait à son compte. Les dèmes eux-mêmes ne jouissaient à cet égard d’aucune immunité ; s’ils étaient propriétaires, ils payaient comme un simple citoyen. On ne respectait que le domaine de l’état, même s’il avait été donné à bail. C’est ainsi que les concessionnaires de mines déduisaient, de leur timèma le capital représenté par leurs exploitations.

Il est d’usage, chez les modernes, que les étrangers soient complètement assimilés aux nationaux pour tout ce qui touche à

  1. P. Leroy-Beaulieu, Traité de la science des finances (4e édition), I, 321.