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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 89.djvu/957

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gouvernemens, c’est l’affaire de l’avenir. Visiteurs et visités ne le savent pas plus que tous les curieux de l’Europe, qui attendent des nouvelles du train impérial ou du dernier gala. Pour le moment, Guillaume II poursuit ses voyages, accompagné du comte Herbert de Bismarck et d’une brillante suite. Il s’est arrêté chemin faisant à Stuttgart et à Munich ; il a passé quelques jours à Vienne, il est maintenant à Rome ; et ces voyages ne laissent pas d’avoir quelquefois leurs épisodes, leurs particularités significatives. À Stuttgart et à Munich, le jeune empereur était naturellement un peu chez lui, auprès de souverains qui, en ne demandant pas mieux que de garder leur indépendance, se sentent les feudataires de l’empire. À Vienne, c’est autre chose. On est dans un monde tout différent, où il y a des souvenirs pénibles, des intérêts compliqués, des conflits de races et de nationalités, d’implacables rivalités entre Allemands et Slaves. C’était peut-être assez délicat pour le jeune empereur d’Allemagne, roi de Prusse, de se retrouver dans la plus vieille cour de l’Europe, d’être l’hôte de cette maison de Hapsbourg qui a eu si longtemps la suprématie impériale, qui a été exclue de l’Allemagne par les armes prussiennes sur le champ de bataille de Kœniggrætz. Les nécessités de la politique effacent tout sans doute, et rien n’a été négligé pour faire oublier le passé. L’éclat des réceptions n’a pas manqué. On a fêté l’alliance austro-allemande, la présence de Guillaume II, de toute façon, par des chasses en Styrie, par des galas à Vienne. L’empereur François-Joseph lui-même, le vaincu de Kœniggrætz, a mis une abnégation méritoire, presque excessive, à boire « à l’armée allemande, l’éclatant modèle des vertus militaires ; » et c’est tout au plus si on pourrait saisir quelque nuance dans le toast que le souverain autrichien a porté « à l’empereur allemand, roi de Prusse, et à sa maison royale. » Chose curieuse ! c’est le titre auquel on avait songé d’abord à l’époque de la résurrection de l’empire et qui se retrouve dans le toast de François-Joseph. La réserve, si réserve il y a eu, a disparu dans la chaleur des effusions impériales du banquet de la Burg.

Après tout, ces fêtes de Vienne ne se sont point passées sans quelques autres incidens plus caractéristiques ou plus significatifs. L’empereur Guillaume n’est pas sans avoir mis quelques restrictions dans les témoignages de sa cordialité, dans les faveurs par lesquelles il a marqué son passage à la cour d’Autriche. Il a eu des attentions pour ceux qui lui plaisaient, pour le comte Kalnoky, pour le chef du cabinet hongrois, M. Tisza, pour le comte Jules Andrassy, le premier négociateur de l’alliance austro-allemande, même pour le nonce du pape, Mgr Galimberti. Il a prodigué les décorations, l’Aigle noir, l’Aigle rouge, à une foule de personnages, sans oublier le bourgmestre de Vienne qui l’a complimenté. Seul, le président du conseil d’Autriche, ou, si l’on veut, de la Cisleithanie, le comte Taaffe, a été excepté ; seul, il