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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 90.djvu/117

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il n’y a qu’à la supprimer. Allons ! un bon mouvement ! Oubliez le rôle glorieux de la mitraille, oubliez que les Drouot et les Sénarmont l’ont employée victorieusement à balayer les champs de bataille de l’empire, renoncez à pratiquer cette pieuse reconnaissance qui maintient en service, parce qu’elles ont eu quelque part à nos succès d’autrefois, des troupes ou des coutumes qui n’ont plus leur raison d’être. On a su se passer des mousquetaires, et des carabiniers, et des voltigeurs, et des grenadiers, et des guides. La lance que Montecuculli appelait la reine des armes a fini par disparaître; la baïonnette aussi semble avoir fait son temps ; le boulet rond de Vauban et de Gribeauval, ce boulet dont le ricochet était si terrible, est fini, rayé de la liste de nos engins meurtriers. La balle sphérique est aussi démodée que la flèche des archers ; la cuirasse ne tardera pas à aller rejoindre dans les musées le bonnet à poil des grognards. Tout se renouvelle. Sachons rompre à propos avec des traditions surannées, et jetons nos boîtes à mitraille à la ferraille, pour y substituer des obus à mitraille, ce qui augmentera la force effective de nos batteries et réalisera l’unité de munitions qu’on recherche depuis si longtemps.

Il serait injuste de ne pas parler, à propos du nouveau projectile, des services rendus à l’artillerie par l’École de pyrotechnie de Bourges : c’est là qu’on a imaginé le principe de l’emboutissage de l’enveloppe, qui a permis de construire l’obus à mitraille; c’est là surtout qu’on a poursuivi les études relatives aux fusées. Un projectile sans fusée, c’est une montre sans ressort, un corps sans âme : il ne lui sert à rien de transporter à plusieurs kilomètres de distance la charge de poudre qu’il contient, si cette charge ne détone pas ou si elle détone mal à propos. Son explosion ne doit être ni prématurée ni tardive. Le capitaine doit pouvoir la provoquer aussi sûrement au point éloigné où elle se trouve que s’il pouvait l’enflammer à la main. Il ne suffit plus de saisir l’instant opportun de mettre le feu à la pièce, il faut mettre aussi le feu au shrapnel pour qu’il se subdivise à propos en une myriade de fragmens et s’émiette, en quelque sorte, en une poussière meurtrière. Les nouveaux modèles de fusées adoptés en France produisent d’une façon parfaite ce résultat important ; malgré la complication et la complexité de leurs organes, malgré leur ténuité et leur fragilité apparentes, leur réglage est simple, leur fonctionnement régulier, leur solidité incroyable. On n’observe qu’un nombre insignifiant de ratés de fusées ; l’éclatement a lieu à la hauteur qu’on veut au-dessus du sol, ou, — si on le préfère, — au bout d’un nombre mathématiquement déterminé de secondes et de dixièmes de secondes après que le coup est parti. De très récentes améliorations de détail permettent le débouchage immédiat de l’évent qui correspond à