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moins de secourir un négociant dans l’embarras, et par là même le législateur aurait prévenu certaines débâcles. Rien n’est moins conforme à l’esprit d’une bonne législation commerciale que de laisser trop longtemps en suspens le sort des transactions commerciales.

Le gouvernement avait dit, par l’organe de M. Courcelle-Seneuil, que la lenteur des procédures est « un des fléaux des faillites. » En effet, la statistique révèle qu’une faillite dure en moyenne, dans notre pays, deux années. C’était trop, même il y a cinquante ans. Depuis 1838, l’emploi des voies ferrées et du télégraphe a sinon supprimé, du moins abrégé, les distances, et la facilité des communications accélère, dans le monde entier, la marche des affaires ; aussi, dans toute l’Europe, un grand nombre de lois ont abrégé les anciens délais de procédure. Le projet parlementaire répond, sur ce point, à l’attente générale du commerce. Aujourd’hui, le juge-commissaire convoque « immédiatement » après le jugement déclaratif les créanciers présumés, et l’élasticité de l’adverbe employé par le code lui permet de retarder la convocation : il serait désormais astreint à la faire dans la huitaine de ce jugement ; le greffier devrait même y procéder dans les trois jours s’il s’agissait d’une liquidation judiciaire. La vérification des créances, retardée par le mécanisme du code actuel, commencerait à l’expiration de la quinzaine qui suivra la première assemblée. Pour accélérer encore cette vérification, chaque créancier devrait « élire domicile » dans le lieu où siège le tribunal, et, s’il ne le faisait pas, toutes les significations lui seraient adressées au greffe. Le tribunal statuerait lui-même sur les délais qu’il conviendrait d’accorder aux créanciers domiciliés hors de France pour produire leurs titres, ce qui, dans la plupart des cas, ferait gagner beaucoup de temps. On pourrait même aller plus loin et faire encore déterminer par la justice, comme en Belgique, en Allemagne et en Italie, d’une part, le délai de production de tous les titres; d’autre part, le jour où le procès-verbal de vérification devrait être clos. Les retards apportés à la solution des faillites augmentent les frais, rendent souvent les concordats impossibles et peuvent empêcher que le concordataire ne soit utilement remis à la tête de ses affaires, parce qu’il ne retrouve plus sa clientèle. À ce point de vue, la loi de 1838 serait donc heureusement modifiée[1].

  1. Le projet qui vient d’être voté par la chambre donne une vive impulsion à la procédure de la liquidation : le lendemain de la première assemblée, les créanciers sont invités à produire leurs titres dans un délai de quinzaine, et ce délai peut être augmenté par ordonnance du juge-commissaire à l’égard des créanciers domiciliés hors de France : la même convocation indique la date de la première assemblée de vérification des créances ; enfin, le jugement sur les contestations de créances doit être rendu dans un délai de trois semaines à compter du renvoi prononcé par le juge-commissaire. Ces mesures de détail doivent être approuvées.