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résoudre à la satisfaction générale la redoutable question des honoraires, on peut, ainsi que la cour de cassation le conseille, insérer dans le code cette disposition nouvelle : « Les syndics, en rendant leur compte, qui restera déposé au greffe, produiront l’état de leurs honoraires taxé par le juge-commissaire et annexé au compte. La taxe pourra être attaquée dans la huitaine par tout créancier et par le failli[1].» On aura, ce me semble, organisé par ces diverses réformes un mode de surveillance efficace sans hérisser d’obstacles l’administration des syndics. Que pourrait-on désirer de plus ?

Napoléon, revenant de Tilsitt, tança le conseil d’état, qui lui paraissait avoir, dans son projet de code de commerce, traité les faillis avec trop d’indulgence : « Dans les mœurs actuelles, lui dit-il, la sévérité devient nécessaire ; les banqueroutes servent la fortune sans faire perdre l’honneur, et voilà ce qu’il importe de détruire... Dans toute faillite, il y a un corps de délit, puisque le failli fait tort à ses créanciers. Il est possible qu’il n’y ait pas mauvaise intention, quoique ce cas soit fort rare; mais le failli se justifiera. Un capitaine qui perd son vaisseau, fût-ce par un naufrage, se rend d’abord en prison... Il ne faut pas blesser l’intérêt des créanciers, mais on ne doit pas s’en reposer sur eux du soin de rétablir l’ordre. Qu’on prenne donc des mesures qui, sans nuire aux créanciers, sans frapper d’une condamnation un failli avant qu’il ait pu se justifier, le mettent cependant dans un état d’humiliation conforme à la situation de sa fortune, et que les anciennes mœurs lui imprimaient. » Ce langage est trop dur. L’empereur résout en soldat une question qui n’a rien de militaire. Il n’est pas vrai que le commerçant insolvable ait eu, le plus souvent, l’intention de manquer à ses engagemens. Le failli n’est pas, à proprement parler, un délinquant, et la loi des faillites ne doit pas reposer exclusivement sur une pensée d’intimidation. C’est à bon droit que le législateur de 1838 atténua les sévérités du code impérial. Nous pensons même avec la plupart de nos contemporains, on vient de le voir, que la loi de 1838 peut être encore adoucie, mais pourvu qu’on y touche avec une grande circonspection. Un certain nombre d’entre eux se figurent, en effet, que le progrès consiste à mitiger indéfiniment cette législation spéciale, et se trompent. Quelques criminalistes sont tombés dans la même erreur. Comme,

  1. La chambre des députés est entrée dans cette voie en votant, le 20 octobre, un paragraphe additionnel ainsi conçu : « Dans la dernière assemblée, le liquidateur donnera connaissance de l’état des frais et indemnités taxés par le juge-commissaire. Cet état sera déposé au greffe. Le débiteur et les créanciers pourront former opposition à la taxe dans la huitaine. »