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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 90.djvu/183

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de trancher dans le vif et de rompre en visière avec l’élément allemand, le comité exécutif exposa, dans une nouvelle proclamation, qu’essentiellement américain par son origine et sa composition, il entendait protéger avant tout les intérêts américains, dont il ne séparait pas d’ailleurs ceux des émigrans naturalisés. Faisant appel au bon sens de ses nationaux, il leur exposa à quels résultats pouvaient aboutir les théories socialistes de meneurs étrangers, indifférens ou hostiles à la prospérité nationale. Cet appel à un patriotisme intelligent fut entendu et, dès le 8 mai, les ouvriers reprenaient le travail dans tous les chantiers.

Le bon sens pratique de la race anglo-saxonne, son respect de la légalité, sa répugnance pour le désordre et les mesures violentes, avaient eu raison des théories anarchistes des socialistes allemands, dont les efforts n’avaient abouti à d’autres résultats qu’à des dépôts incendiés, des machines détruites, des convois brûlés, des veuves et des orphelins sans pain, des ouvriers sans travail et des industriels ruinés. D’une surélévation de salaires il ne pouvait être question, la situation générale du pays, au moment où les grèves éclataient, ne la comportant pas.

Les convulsions de la classe ouvrière sont en effet soumises, elles aussi, dans leurs causes comme dans leurs effets, à des lois qu’un examen attentif permet de dégager. Les statistiques publiées récemment aux États-Unis par le bureau de recensement, et dont nous avons sous les yeux les premiers résultats, jettent une vive lumière sur cette question des grèves. En 1880, le nombre des grèves aux États-Unis s’est élevé à 765, dont 304 pour la Pensylvanie seule, 104 pour l’état de New-York, 93 pour l’Ohio. Ces trois états sont ceux qui comptent le plus d’usines et de mines. Dans les états agricoles, les grèves sont fort rares ; dans les états manufacturiers, leur intensité est en raison directe de l’agglomération des ouvriers.

Dans ces 765 grèves, l’industrie métallurgique figure en première ligne pour 236, les mines pour 158, les filatures pour 46, la fabrication des cigares pour 43, l’industrie du bâtiment pour 36, celle des transports pour 36 également, l’imprimerie pour 28, la verrerie pour 27, la fabrication des pianos pour 14, la cordonnerie pour 11.

Si, laissant de côté les causes secondaires et accidentelles qui ont servi de prétexte ou d’occasion à quelques-unes de ces grèves, nous nous attachons uniquement à celles qui ont eu pour cause une question de salaires, nous constatons que leur nombre s’élève à 580, dont 503 agressives visant une augmentation de salaires, et 77 défensives, ayant pour but de résister à une réduction de paie. Les