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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 90.djvu/335

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ou les districts fortifiés qui doivent faire seuls les frais des forteresses et des ouvrages défensifs ; c’est aussi tout le pays qui est derrière eux et dont ils ferment l’accès.

Quant aux travaux publics pacifiques, qui de beaucoup sont les plus nombreux, le caractère en est singulièrement varié et se prête à des solutions très diverses. Certaines œuvres appartiennent évidemment à la catégorie que nous désignions, il y a quelques semaines, par la formule d’entreprises de conservation générale : ainsi les travaux de digues, de protection contre les inondations, les ouvrages purement défensifs contre les dérèglemens de la nature. Ils incombent en principe à l’état sous l’une de ses trois formes de pouvoir national, pouvoir provincial ou pouvoir communal. La plupart d’entre eux n’étant susceptibles d’aucune rémunération directe, exigeant, en outre, le concours très malaisé à obtenir de tous les habitans ou de tous les propriétaires d’un district, le pouvoir général coercitif est le seul qui, d’ordinaire, s’en puisse charger. Mais il faut, même ici, distinguer la question d’application de celle de principe : ces tâches élémentaires, qui incontestablement sont du ressort de l’état, celui-ci peut, avec avantage, dans certaines circonstances déterminées, en déléguer l’exécution à de simples particuliers et à des associations libres.

Sauf en quelques rares pays comme la Hollande, les travaux dont je viens de parler ne tiennent qu’une place très secondaire dans l’activité nationale. Ce sont en général les voies de communication qui, chez les peuples modernes, ont accaparé le titre de travaux publics. De tout temps, sans doute, on s’est occupé de rendre le pays accessible aux hommes et aux marchandises : les anciens n’ont pu se désintéresser des travaux de ports ; ils y joignaient la rectification, parfois la canalisation de certains cours d’eau; ils construisaient des ponts; quelques peuples de l’antiquité ont excellé aussi dans les grandes œuvres urbaines, les Romains, par exemple, pour les égouts. Mais le genre de travaux publics qui passionne le plus nos contemporains, les entreprises de viabilité, laissait assez indifférens les peuples de l’ancien temps. Ils n’avaient pas la conception exacte des résultats que, pour la richesse nationale et la facilité de la vie, l’on peut obtenir d’un bon réseau de voies de communication. On peut dire que la construction des routes et des chemins est l’un des produits les plus tardifs du principe de la division du travail, l’une des applications les plus récentes de l’idée de capitalisation. La mer, les fleuves, les rivières, l’étendue brute et infirme des plaines, les clairières des forêts, les sentiers étroits et mal frayés, voilà ce qui composa, pendant de très longues séries de siècles, l’appareil circulatoire des nations. Michel Chevalier écrivait, il y a une quarantaine d’années, que la charrette était inconnue des neuf