Inutile de lutter... Chère,.. si chère, savez-vous ce que j’ai trouvé dans mon livre de prière, un livre que m’a laissée celle de mes sœurs que j’aimais tant,.. la petite Hortense qui est morte?.. Je pensais à elle, et comme elle s’entendait bien à me consoler, quand mes yeux sont tombés sur ces mots : « Les vivans te loueront, Seigneur. — Chérie, voilà toute la vérité... Les vivans... Ne voyez-vous pas?.. Ce fut un message de Dieu même... Les vivans, Barbara, les vivans...
Elle ne veut pas l’entendre, elle lui redit qu’elle ne pourra jamais oublier, bref, elle le renvoie désespéré, mais, par une bizarre inconséquence, elle le reconduit à la station où il doit prendre le train qui l’emportera loin d’elle, et naturellement il profite de l’étroit voisinage que permet la voiture, de l’ignorance d’oncle Joshua, derrière le dos duquel on peut dire impunément : Je t’aime, en français. Un fâcheux, assez comique, qu’ils se trouvent obligés de prendre en route pour remédier au désastre d’une charrette versée, arrête, il est vrai, les entreprises de Dering; une dernière fois, il s’agenouille sous un prétexte pour baiser rapidement la robe de Barbara, la semelle de sa bottine ; mais nous n’avons pas l’impression, quand se termine ce voyage semi-sentimental, semi-humoristique, de Rosemary à Charlottesvil!e, voyage un peu long d’ailleurs, que ces tendres adieux soient le prélude d’une rupture. Sans doute, elle se sent elle-même bien faible et bien irrésolue, car, rentrée chez elle dans la nuit, elle nous fait assister à une nouvelle scène de désespoir hystérique, dont ses mulâtresses Ramsès et Sarah ont grand’peine à la tirer en la berçant, en la plongeant dans un bain chaud parfumé d’essence de roses, en massant ses bras inertes. Ce qui la calme à la fin, c’est ce verset des psaumes : « Dans la mort, aucun homme ne se souvient de toi,.. » qui lui saute aux yeux lorsque, selon sa coutume enfantine, elle ouvre le livre au hasard.
— Je serai peut-être heureuse encore, dit-elle en s’endormant. Et elle essaie en effet d’être heureuse ; elle se persuade que l’impatience avec laquelle elle attend la lettre promise par Dering est de l’amour.
Barbara Pomfret a le tort de ne pas se borner à lire les lettres de Dering; elle lit aussi la Bible, par une habitude qui est devenue chez elle comme une seconde nature (il y a chez cette exaltée de singuliers contrastes), et elle tombe sur des versets