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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 90.djvu/396

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non, si tu veux seulement me pardonner. Je te le promets, je te le promets! Je t’en prie, Val, ne crois pas que j’y aie jamais été résolue vraiment. Je croyais l’être, mais je ne l’étais pas au fond de mon cœur. Oh ! je n’ai jamais seulement commis le crime d’y songer tout de bon. Rappelle-toi ce que j’ai éprouvé d’abord... Je me haïssais, je luttais,.. je luttais si fort. D’abord, ce fut parce qu’il te ressemblait... Il te ressemblait tant que je l’ai pris pour toi... J’ai cru que tu étais revenu. Oh! femme indigne! femme indigne que je suis ! Mais je m’arrêterai, je réparerai. De grâce, Val, de grâce... Mon Dieu, qu’il ne se moque pas de moi!.. Oh! Val, ne vous moquez pas de moi, ne riez pas, ne riez pas...

Quand Dering la rejoignit, il crut d’abord, la retrouvant inanimée, la face contre les marches de l’autel, qu’elle était morte...

………………

Barbara fut inconsciente pendant quelques heures ; quand elle eut enfin repris ses sens, le premier désir qu’elle exprima fut de voir Dering. Quoiqu’il fût alors minuit, elle voulut qu’on la portât dans la chambre où elle l’avait reçu le soir de son arrivée ; ses magnifiques cheveux, épars sur son peignoir de soie blanche, se glissaient çà et là dans la fourrure d’un gris bleuâtre dont il était garni, comme des veines de leu parmi les cendres. Dans son visage mortellement pâle, les yeux restaient grands ouverts et assombris sous les paupières immobiles. Dering vint s’agenouiller auprès d’elle en silence, essayant de soulever les mains inertes qui gisaient sur ses genoux ; elle les retira lentement.

— Je vous fatigue peut-être? dit-il, effrayé de l’impassibilité de son attitude et de son expression. Si nous ne causions pas ce soir?

— Il faut que nous causions, répliqua-t-elle d’un ton morne.

— Demain il sera temps. Laissez-moi vous aider à remonter chez vous.

— Il n’y aura pas de demain, répondit Barbara. — Toujours la même voix sans inflexions.

Dering essaya de nouveau de s’emparer de ses mains.

— Ma pauvre chérie ! Quel coup vous devez avoir reçu !

— Oui, un coup terrible.

— Mon amour,.. je le sais trop. Laissez-moi vos mains, je ne veux que les tenir et les réchauffer. Vous semblez avoir si froid.

— C’est cela,.. J’ai froid,.. bien froid... Oui, vous pouvez garder une de mes mains, la main gauche;., seulement attendez une minute, attendez je vous dis, que j’aie trouvé quelque chose.

Ses doigts tremblans cherchaient ce quelque chose dans son sein.