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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 90.djvu/464

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juifs, dans l’espoir peut-être de les convertir, qui l’ont assuré à Mme de Chambreuil. Cependant, à ces belles raisons, M. de Chambreuil résiste un peu, par amour-propre d’abord, puis par dépit de se voir si bien effacé du souvenir de Mme de Chambreuil, et enfin, sans en être tout à fait sûr, parce qu’il lui semble, en y songeant, que si Mme de Chambreuil le voulait, il l’aimerait encore, à sa manière, très convenablement, d’une affection peu profonde, il est vrai, mais sincère, après tout, aussi sincère que le comporte sa façon d’entendre la vie. Elle, de son côté, s’est aperçue dans la conversation qu’elle n’avait pas entièrement oublié le passé, qu’il est d’ailleurs bien difficile, et même un peu douloureux, d’en vouloir abolir le souvenir, qu’elle connaît enfin les défauts de M. de Chambreuil beaucoup mieux que ceux de M. de Guerche, et qu’elle pourrait refaire avec lui un ménage très parisien et très bien assorti. Ils se remarieront donc; — et voilà le sujet de Pepa, l’agréable et la spirituelle comédie de MM. Henri Meilhac et Louis Ganderax, représentée, le 31 octobre 1888, sur la scène de la Comédie-Française, dans des décors pleins de goût, par des acteurs pleins de talent, entre lesquels Mlle Reichemberg, Mlle Bartet et M. Frédéric Febvre en ont un peu plus que les autres.

Ce pouvait être aussi bien la matière d’une « nouvelle » ou d’un petit roman que d’une comédie. Pour rendre leur sujet « théâtral, » MM. Henri Meilhac et Louis Ganderax ont donc adroitement mêlé à l’histoire du remariage de M. et de Mme de Chambreuil celle du mariage de Mlle Pepa avec M. de Guerche. D’autre part, et pour maintenir ce sujet parisien dans les régions de la comédie tempérée, pour l’empêcher de tourner à la comédie sentimentale, ou à la pièce à thèse, ou au drame, ils ont donné comme oncle à Mlle Pepa l’ex-président lui-même d’une république sud-américaine, don Ramiro Vasquez, ambassadeur de Tierras-Calientes à Paris, à Rome et à Monte-Carlo. On me dispensera d’insister : ce personnage de vaudeville, ni même peut-être Mlle Pepa, n’étant pas ce que j’aime le mieux de leur pièce.

Notez que je ne dis point qu’ils ne soient l’un et l’autre fidèlement observés, et aussi amusans que vrais, et qu’ils ne doivent aider au succès de la pièce. On sait assez, sous quelques-unes de ces caricatures, dont la fantaisie de M. Meilhac, en les traçant, s’égaie d’abord elle-même, ce qu’il y a de « vu, » de « vécu, » et, et le mot ne l’effarouchait point, ce qu’il y a de « documentaire. » Les Ramiro Vasquez existent, et dans le portrait qu’on nous en donne ici, quoique la convention ou le procédé se sente encore un peu, je ne doute pas un instant que l’oncle de Pepa ne soit rendu d’après nature. Pour Mlle Pepa, je conviens qu’avec son amour de pensionnaire et ses allures de grande fille, sa vivacité d’impression et sa délicatesse de sentimens, elle est encore mieux « vue » que son oncle, et même,