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qui, de Djelfa, s’était mis à la recherche des réfractaires. Il les avait rencontrés et battus, le 19 novembre, entre Assafia et Ksar-el-Aïrane; mais, au lieu de s’enfuir comme d’habitude vers le sud, le chérif, qui se trouvait avec eux, se jeta dans Laghouat, dont le sof du nord lui ouvrit les portes. Quand Jusuf s’y présenta, il fut accueilli par une fusillade, et n’ayant pas assez de monde pour tenter un coup de main avec chance de succès, il prit son bivouac au nord, à quelque 1,800 mètres du ksar, tenant Ras-el-Aïoun, « la tête des fontaines, » c’est-à-dire les bassins de retenue d’où l’eau puisée à l’Oued-Mzi allait arroser l’oasis. Était-ce donc qu’on fût sous la menace d’un autre Zaatcha?

Aussitôt averti, le général Pélissier accourut d’El-Biod. La colonne qu’il amenait comprenait deux bataillons du 2e zouaves, un bataillon du 50e de ligne, trois compagnies du 1er bataillon d’Afrique, deux compagnies de tirailleurs indigènes, trois escadrons de chasseurs d’Afrique, un escadron de spahis, une pièce de 8, un obusier de campagne, quatre obusiers de montagne, en tout un effectif de 3,000 hommes. Le 2 décembre, vers trois heures de l’après-midi, la colonne déboucha du Djebel-Amour dans l’immense plaine de Laghouat. Par-dessus une furet de palmiers se dressait, au centre du ksar, le minaret de la mosquée ; un peu plus bas et plus près, au sud-ouest, on apercevait l’ancienne kasba de Ben-Salem. Dans la soirée, le général Pélissier reçut les informations de Jusuf : ses parlementaires avaient été décapités ; l’exaltation du chérif et de ses adhérons tenait de la fureur. Il fut convenu que les deux colonnes agiraient séparément, mais en concertant leurs efforts. Le commandant Barois et quatre compagnies du 1er zouaves, détachées du corps Jusuf, reçurent l’ordre de rejoindre les camarades du 2e.

Le 3 décembre, à sept heures du matin, le général Pélissier fit la reconnaissance de la place. Il choisit pour point d’attaque le marabout de Sidi-el-hadj-Aïssa, sur un mamelon rocheux, abonne portée du mur d’enceinte. Une vive fusillade, partie des jardins, avait fait éprouver aux pelotons de reconnaissance des pertes sérieuses. La nuit venue, trois compagnies de zouaves, une compagnie de zéphyrs et deux sections de travailleurs, sous la direction du lieutenant-colonel Cler et du commandant Morand, s’avancèrent silencieusement vers le marabout, et, sans riposter au feu des Arabes, l’emportèrent à la baïonnette. Aussitôt l’artillerie se mit à l’œuvre. Une embrasure pour la pièce de 8 fut pratiquée dans le mur même de la koubba ; l’obusier de campagne devait être protégé par un épaulement en sacs à terre. Vers minuit, les deux bouches à feu furent installées sur leurs plates-formes.

Le 4, à huit heures du matin, le tir en brèche venait de commencer ;