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des fanfares, il a fait passer les burnous à une quarantaine de cheikhs qui venaient, chacun à son tour, prêter serment et baiser la main armée de l’épée de France.

« Cela fait, nous nous sommes placés devant l’autel où le révérend père Régis a dit la messe ; ensuite, à haute voix, à la manière des évêques dont il a le rang, il a donné solennellement la bénédiction, pendant que tous saluaient respectueusement, soldats, drapeaux et tambours qui battaient aux champs. C’était beau, très beau, très solennel!

« Je t’écris après une messe que je viens de faire dire dans les montagnes des Beni-Foughal, à peu près dans le même genre. Que ne pouvez-vous assister un peu à tout cela! Le cœur s’élargit et l’âme s’élève à ce mélange si harmonieux des sentimens religieux et militaires ! »

Après quelques journées de repos à l’embouchure de l’Agrioun, les deux divisions se séparèrent derechef, mais pour marcher parallèlement vers l’est, dans la direction de l’Oued-Kebir. Cette reprise de l’opération fut signalée par plus de coups de pioche que de coups de fusil. Pendant huit jours, 8,000 hommes, sous la direction des officiers du génie, entreprirent l’ouverture d’une route qui devait relier, par Mila, Djidjeli à Constantine. A la fin de juin, le corps expéditionnaire fut dissous et les troupes reprirent le chemin de leurs garnisons, excepté celles de la division de Constantine, qui poursuivirent jusqu’au 10 juillet les travaux commencés. La tranquillité dans toute la région montagneuse était parfaite. Abordée trois fois en trois ans, mais pénétrée plus profondément dans cette dernière campagne, la Kabylie des Babors était définitivement soumise.


IV.

Sur l’immense scène algérienne, ce fut encore une fois du nord au sud, de la Kabylie au Sahara, que, dans les derniers mois de 1853 et les premiers de 1854, passa l’action et par conséquent l’intérêt dramatique. Depuis son évasion de Laghouat, le chérif d’Ouargla s’était prudemment tenu dans la coulisse; mais de la zaouïa de Rouissat, où il était rentré d’abord, son influence avait été assez grande pour retenir dans son parti les Beni-Mzab ébranlés et pour faire désavouer et bannir quelques-uns des plus considérables d’entre eux, qui, au mois d’avril 1853, avaient fait le voyage d’Alger pour négocier avec le gouverneur-général la soumission de leurs ksour. Au mois de septembre, il reparut en scène, traversa le désert de l’est à l’ouest, fit des razzias jusque dans le cercle de Géryville et revint parader aux environs de Laghouat. Le capitaine