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ouvrit le feu. Après vingt minutes de canonnade, le général de Mac-Mahon fit sonner la charge. Conduits par Bourbaki, le 54e et les zouaves s’élancèrent ; à moins de 100 mètres des retranchemens, une fusillade violente et nourrie les arrêta sur place. Bourbaki avait son cheval tué, Mac-Mahon était atteint à la hanche; mais pendant cet arrêt meurtrier sur le front d’attaque, le 2e étranger avait incliné à gauche, tourné la position et pénétré de force entre le retranchement et le village. Désormais la résistance était vaincue, la position conquise. La perte des assaillans était de 371 hommes, tués ou blessés ; il y avait 30 officiers dans le nombre.

Le combat d’Icheriden, le plus vif et le plus brillant de toute la campagne, fut à peu de chose près, le dernier. En continuant à marcher au sud-est, parallèlement à la grande chaîne du Djurdjura, les trois divisions recueillirent la soumission d’une confédération puissante, les Beni-Yenni. Une apparition inattendue sur les derrières des tribus encore insoumises acheva de les décourager ; c’était la division de Constantine qui venait d’occuper le col de Chellata. A l’attaque d’Aguemoun-Izen, leur surprise fut encore plus grande : des Beni-Fraoucen, des Beni-Raten accompagnaient les colonnes françaises ! Il ne restait plus à réduire que les Beni-Menguellet, qui ne firent guère de résistance, puis les Beni-Touragh, qui en firent un peu davantage. Les derniers coups de fusil furent tirés, le 11 juillet, chez les Illoul-ou-Malou et les Illilten; le 12, chez les Beni-Mellikeuch.

Il y avait chez les Illilten, dans la gorge de Tirourda, un village de marabouts, et dans ce village, une inspirée, une prophétesse, une voyante, Lalla-Fatma. C’était elle qui la première avait prêché la guerre sainte ; elle fut prise, le 11 juillet, avec tous les siens, et conduite hors du pays. Parmi ces populations crédules, le bruit courut aussitôt qu’avec elle était parti l’esprit de résistance, et tout de suite on se soumit.

Tout était fait; la Grande-Kabylie était domptée. La division Renault demeura seule à la garde de Fort-Napoléon; tous les autres corps reprirent le chemin de leurs garnisons. Avant la séparation de l’armée, le maréchal Randon leur adressa, le 16 juillet, ses éloges : « Accourus à ma voix des trois provinces, vous êtes venus prendre part à cette belle campagne. Des cimes du Djurdjura jusque dans les profondeurs du sud, le drapeau de la France se déploie victorieusement. C’est à vous qu’il était donné de terminer cette grande et noble tâche. L’Algérie reconnaissante applaudit à vos triomphes. Trouvez dans ce témoignage la récompense de ce que vous faites depuis vingt-sept ans pour la prospérité de cette belle colonie, le plus beau fleuron de la couronne de France. »

Le 17 août, le maréchal Bosquet adressa, de Paris, au maréchal Randon, la lettre suivante : « Le bruit avait couru que vous seriez