— qu’un accueil contraint, hésitant. Alexandre II subissait l’entrevue, elle lui était commandée par les exigences de sa politique, l’isolement lui pesait, il avait à cœur de se soustraire aux clauses humiliantes du traité qu’il venait de signer à Paris. Napoléon III, au contraire, la souhaitait ardemment; elle devait lui permettre d’affirmer sa suprématie et de se relever de l’affront que lui avait si gratuitement infligé l’empereur Nicolas à son avènement au trône en lui refusant le titre de frère. Il espérait surtout, on le verra dans la seconde partie de ce récit, s’assurer la Russie pour abattre l’Autriche et affranchir l’Italie. Il affectionnait les coups de théâtre ; il était dit qu’il donnerait plus d’un spectacle à la France, de glorieux et de terrifians ; à cet instant, il était au faîte de la puissance, et rien ne permettait de prévoir que son règne si brillamment commencé finirait par une sombre tragédie.
A la cour des Tuileries, on s’était flatté que l’invitation s’étendrait aux deux impératrices ; sur ce point délicat, le vieux roi, se conformant sans doute aux instructions venues de Pétersbourg, avait évité de s’expliquer. En allant à Stuttgart, le tsar cédait à la raison d’état, mais il ne lui convenait pas de donner à l’entrevue un caractère d’intimité qui ne se conciliait pas avec ses sentimens. On le ressentit vivement à Paris. Les pourparlers traînèrent; un instant même, lorsque, après de nombreuses péripéties, tout semblait arrêté, ils furent suspendus. La diplomatie française avait surpris le roi de Wurtemberg engagé dans un double jeu; il lui était revenu que, tout en présidant à l’union de la France et de la Russie, il poursuivait, derrière les coulisses, le rapprochement du cabinet de Vienne avec le cabinet de Pétersbourg.
Le roi Guillaume n’aimait pas les grandes routes ; il préférait cheminer sous bois, dans d’obscurs sentiers. Il avait, comme beaucoup de souverains, un faible pour la diplomatie occulte. Aussi s’était-il donné le luxe d’un agent secret. Il avait à son service M. de Klindworth, que M. Taschereau, dans la Revue rétrospective de 1848, n’a pas jugé à propos de laisser dans l’ombre. M. de Klindworth, sous la monarchie de Juillet, était fort répandu dans les chancelleries; M. de Metternich et M. Guizot le mêlaient volontiers à leurs affaires. Il était le type accompli de ces personnages interlopes qui jadis parcouraient l’Europe, pénétraient mystérieusement, par les petites portes, chez les princes et les ministres, et qu’on désavouait, sans façon, lorsqu’ils échouaient. Napoléon III en faisait un fréquent usage; ils ne servaient qu’à entretenir ses illusions et à affaiblir l’autorité de ses ambassadeurs. Ils ont perdu leur importance depuis que tout se dit et s’imprime ; les télégraphes et les reporters ont été funestes à leur industrie.
Cette fois, en menant de front, dans l’ombre et le mystère, deux