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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 90.djvu/59

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« Je n’étais pas le courtisan du gouvernement qui vient de tomber et, devant les collèges électoraux, j’ai hautement désapprouvé ses tendances et sa politique. Je ne puis pas vous dire cependant que j’ai souhaité sa chute, mais, quand la patrie, en rendant une décision souveraine, vient peut-être de s’ouvrir d’immenses horizons de dangers et de gloire, mes devoirs envers elle ne sont pas changés, et vous me trouverez toujours prêt à les remplir avec cette netteté, cette simplicité et cette ardeur qui, en dehors de toute intrigue et sans l’appui d’aucune coterie, m’ont acquis dans l’armée une position dont il convient peut-être d’utiliser l’influence.

« Depuis un mois, et dans la prévision des événemens graves que le laborieux réveil de l’Italie semblait annoncer, le prince gouverneur-général m’avait permis, après avoir étendu sur la province un réseau de troupes suffisant pour l’occuper et la contenir, de réunir à Alger et dans un rayon de 12 lieues deux divisions de toutes armes, qu’on pourrait embarquer en quarante-huit heures. Ces vieilles bandes, intrépides dans le danger, patientes dans la fatigue, ont conservé toute leur discipline et leur ardeur. En Europe, aucunes troupes ne peuvent leur être comparées en ce moment. Les provinces d’Oran et de Constantine pourraient leur adjoindre d’énergiques contingens, et j’ai l’orgueil de croire que cette armée, partout où vous la transporteriez sous mes ordres, ferait pencher la balance en faveur du drapeau de la France.

« Par une dépêche télégraphique, qui partant avec cette lettre la devancera de quelques jours, je me hâte de demander le commandement de la frontière la plus menacée. Quelque aptitude pour l’organisation, une expérience éclairée par des études sérieuses, l’habitude de manier les troupes, qui m’honorent d’une grande confiance, l’amour passionné de la gloire, la volonté et l’habitude de vaincre, me permettraient sans doute de remplir tous les devoirs qui me seraient imposés.

« Dans ce que j’ose vous dire de moi, ne cherchez pas l’expression d’une vanité puérile, mais l’expression d’un ardent désir de dévouer toutes mes facultés au service de la patrie.

« l’Italie semble nous offrir le champ de bataille où les premiers succès, qu’il faut remporter à tout prix, doubleraient les forces de l’armée et la confiance de la France. C’est là que je désirerais employer tout mon dévoûment si sincère; mais, quelque part que vous vouliez bien m’appeler à servir la patrie, comptez que mon ardeur dévouée s’efforcerait de justifier la confiance dont vous m’auriez honoré.

« Cette lettre, souvent interrompue par les obligations du service, aurait besoin d’être revue; mais, dictée à mes aides-de-camp, l’exemplaire le plus lisible en sera porté au courrier dont je ne veux