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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 90.djvu/719

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de sa politique, elle ne songe pas à provoquer un conflit, et elle est plutôt par son altitude une garantie pour la paix universelle. On se sert quelquefois des journaux pour exhaler une certaine mauvaise humeur contre un voisin puissant et gênant, on les désavoue le lendemain. Et la meilleure preuve que les gouvernemens ne se laissent pas lier par de vaines polémiques, même quand ils les ont peut-être inspirées, c’est qu’au moment même où se déchaînait cet orage passager de récriminations contre la Russie, le tsarévitch, arrivant à Berlin, a été reçu avec toutes les apparences de la plus vive cordialité. Le jeune fils de l’empereur Alexandre III a été l’objet des attentions les plus empressées : on lui a rendu les politesses de Péterhof. On ne pouvait guère faire autrement, si l’on veut; on l’a fait, dans tous les cas, avec une courtoisie qui ne laisse entrevoir aucune tension dans les rapports des deux empires. Ce n’est pas tout : sur ces entrefaites, l’empereur Guillaume II, pour la première fois depuis son avènement, a ouvert, non sans une certaine pompe qui paraît être dans ses goûts, la session du parlement de l’empire, du Reichstag, et dans son discours rien n’indique une préoccupation sérieuse. Guillaume II se plaît sans doute à parler d’une manière toute particulière des voyages qu’il a faits en Autriche et en Italie, des visites qu’il a rendues aux souverains ses amis et ses alliés. Il ne parle des autres que sommairement; il ne rappelle pas la visite à Péterhof; mais le ton général de son discours est des plus pacifiques. Guillaume II se croit tenu de déclarer une fois de plus que la triple alliance n’a d’autre objet que la paix ; il désavoue toute idée d’une guerre, « même victorieuse, » — Et, au besoin même, il invoque sa foi de chrétien, ses devoirs d’empereur envers la nation allemande, comme gage de ses intentions pacifiques. Voilà qui est au mieux et qui ne ressemble pas aux articles de journaux ! On peut après cela être tranquille sur toutes les frontières, — sauf l’imprévu qui joue toujours un terrible rôle dans les affaires humaines!

Pour le moment, et c’est là même une des parties les plus intéressantes du discours de l’empereur Guillaume, il n’y a qu’un point, un point lointain et un peu obscur, où l’Allemagne se trouve engagée par son ambition de politique coloniale. Il s’agit de cette étrange affaire de Zanzibar, qui n’est peut-être rien encore, si l’on veut, et n’est pas de nature à émouvoir ou à préoccuper l’Europe, qui pourrait néanmoins prendre une certaine importance. C’est visiblement l’Allemagne qui mène l’affaire; c’est elle qui, sous le prétexte humanitaire de la répression du trafic des esclaves, s’est employée à nouer une sorte de coalition navale destinée à opérer sur la côte orientale de l’Afrique, et par le fait elle a réussi au moins à rallier l’Angleterre à sa cause, à l’entraîner dans sa campagne lointaine. Le ministère britannique,