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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 90.djvu/74

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En dépit du feu et des obstacles, le génie et l’artillerie n’avaient ménagé ni le temps ni la peine. En avant de la zaouïa, le colonel Petit avait construit, à 130 mètres du ksar, l’épaulement d’une place d’armes que le colonel Pariset arma, pendant la nuit, d’une batterie composée d’une pièce de 8, d’un obusier de campagne et de trois petits mortiers. Le 8e et le 43e relevèrent la colonne Carbuccia et fournirent la garde de tranchée. Le 8 octobre, à dix heures du matin, l’artillerie ouvrit son tir, dont l’effet fut à peu près nul, les boulets et les obus épuisant leur force sur les troncs des palmiers. Envoyé, pendant la canonnade, en reconnaissance sur la gauche, le commandant Bourbaki, des tirailleurs indigènes, s’avança jusqu’au bord du fossé, sous un feu nourri qui lui fit perdre, en quelques instans, 5 morts, dont 1 officier, et 25 blessés. Le soir, le colonel Carbuccia reprit le service de tranchée. Pendant la nuit, des corvées d’infanterie, abattant les palmiers, renversant les murs, s’employèrent à dégager les abords de l’attaque, pendant que l’artillerie construisait deux nouvelles batteries, à 40 mètres en avant de la première.

A cinq heures du matin, le 9, une balle arabe fit en même temps deux victimes, le lieutenant Seroka, dont elle traversa le cou de part en part, et le colonel Petit, dont elle fracassa le bras. Le jeune officier eut la chance de guérir ; le colonel eut à subir la désarticulation de l’épaule; il n’y survécut pas. Jusqu’au dernier moment, sa pensée fut au devoir : ce fut en entendant un rapport de tranchée qu’il rendit à Dieu l’âme d’un héros. Son nom fut donné à la batterie auprès de laquelle était venue le frapper la balle meurtrière.

Après les tâtonnemens des premiers jours, le génie et l’artillerie avaient décidément arrêté leurs projets d’attaque et combiné leur action contre le front oriental du ksar. L’artillerie, notoirement insuffisante, passait au rang d’auxiliaire; c’était par des approches méthodiques, par la sape, que le génie allait jouer le premier rôle. Sur ces entrefaites, le colonel de Barral, appelé du Hodna par le général Herbillon, arriva le 12 octobre. Ce renfort de 1,650 hommes n’était pas encore assez nombreux pour permettre au général de compléter l’investissement de l’oasis. Quoique le sentier qui servait de chemin habituel et direct entre Zaatcha et Lichana eût été coupé, les deux ksour ne laissaient pas de communiquer facilement ensemble, de sorte que l’assiégé ravitaillé, rafraîchi, trouvait quotidiennement des ressources pour réparer ses pertes.

Dirigées sur les angles nord-est et sud-est du ksar, les sapes avaient, par leur progrès même, permis à l’artillerie de choisir des emplacemens mieux appropriés à sa mission et suffisamment rapprochés de la muraille pour lui donner plus d’efficacité que par le