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dit, au mois d’avril 1883, lorsque l’on a procédé à la réorganisation du comité des dames, où brillent les plus grands noms de la marine et de l’armée françaises. Dans un règlement rédigé pour elles, on leur trace leur ligne de conduite aux temps de la paix et de la guerre. En accomplissant les devoirs qui leur sont offerts, elles se seront associées à l’œuvre et lui auront apporté le plus précieux des concours, celui du cœur et du dévoûment.

Grandes-maîtresses de la lingerie pendant la paix, grandes-maîtresses de la charité pendant la guerre, elles n’ont point accompli toute leur mission. Une part d’action, la plus fructueuse, la plus importante leur incombe encore. Je vois en elles des agens de propagande d’une puissance irrésistible. La plupart d’entre elles sont sœurs de bienfaisance, elles quêtent pour les indigens, elles visitent les malades et pourvoient aux orphelins. Elles savent comment l’on remue la torpeur des indifférens, comment l’on ouvre les bourses closes, comment l’on entre-bâille les coffres-forts égoïstes. Si elles parlent au nom du petit soldat qui a tant marché pour rejoindre l’ennemi, qui a si durement peiné sous le poids du fourniment au long des étapes, qui a dormi sur la terre nue, qui s’est battu le ventre creux, qui sans reculer d’une semelle a fait face au danger, qui revient blessé, affaibli, estropié, que n’obtiendront-elles pas ; car, parmi ceux qu’elles invoqueront, nul ne pourra dire qu’au jour du combat il n’aura pas un parent ou un ami sous les armes. Elles doivent être avant tout les quêteuses de la Croix rouge : « Pour les pauvres blessés, s’il vous plaît ! » Qui donc osera détourner la tête et refuser son aumône ? Il est des heures qu’il faut savoir choisir, heures qui se représentent fréquemment dans la vie des hommes, où l’âme est plus compatissante, où le cœur est instinctivement attendri ; ces heures sonnent aux jours des fêtes de famille, des mariages, des naissances, des anniversaires. La femme, à laquelle on ne peut reprocher de manquer de finesse, saura bien les choisir, ces heures propices, et les rendre fécondes pour l’œuvre qu’elle a prise sous son patronage. Toute femme de la Croix rouge devrait porter une aumônière à la ceinture : ce serait à la fois un insigne et une invite. Si elle craint de se montrer indiscrète et de se heurter à un refus, qu’elle se rappelle le vieux dicton de la galanterie française : Ce que femme veut. Dieu le veut.

D’autres sociétés, je ne dirai pas rivales, encore moins hostiles, d’autres sociétés indépendantes se sont créées. Au lieu de faire cause commune, ce qui était si simple, on a voulu faire cause séparée. Pourquoi donc deux ou trois bannières ? Celle de la Croix rouge de France était assez large pour abriter tous les dévoûmens. L’esprit d’initiative suffisait, l’esprit de particularisme est superflu, puisque