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une majorité considérable, et son frère, Joseph Pease, le présentant aux suffrages des électeurs, le faisait en ces quelques mots salués d’applaudissemens unanimes et reproduits par toute la presse anglaise : « Etes-vous fermiers? Nous le sommes aussi. Mineurs? Nous de même. Armateurs et commerçans? Nous le sommes. Fabricans? Vous connaissez nos usines et nos manufactures. Vos droits, vos intérêts, vos aspirations sont nos droits, nos intérêts et nos aspirations. Nous sommes des vôtres, identifiés avec vous, à vous corps et âme. »

Aujourd’hui, les petits-fils du quaker de Darlington ont pris rang parmi les king of british commerce. Leurs mines de Cleveland rendent annuellement 1,281,000 tonnes à l’année ; leurs usines et leurs manufactures occupent des milliers d’ouvriers, auxquels ils paient annuellement 12 millions de salaire. Solidement assise sur les chemins de fer, les mines de houille et de fer, la banque, leurs nombreuses fabriques, la fortune des Pease de Darlington est l’une des plus importantes parmi les fortunes industrielles du royaume-uni.


IV.

En 1790, Martha Turner, fille d’un laboureur des environs de la petite ville d’Halifax, entrait au service de miss Oldfield. Martha Turner avait alors quinze ans; sa maîtresse, vieille fille d’une cinquantaine d’années, vivait modestement de ses petites rentes. Martha, à la fois cuisinière et femme de chambre, avait en outre à s’occuper du jardin, de la basse-cour et des vaches. Ses gages s’élevaient à 30 sols par semaine; plus tard, ils turent portés à 36. Martha Turner a laissé des mémoires manuscrits; ils sont curieux et instructifs. Cette humble et active servante avait un grand cœur, un profond sentiment de ses devoirs et de ses responsabilités. Elle joignait, à la robuste santé physique de la fille des champs, la santé morale que donnent les solides convictions religieuses, la foi naïve et simple puisée au sein de la famille. Son bon sens, son honnêteté naturelle, sa parfaite droiture d’esprit, se révèlent dans les pages incorrectes et touchantes de cette femme, qui devait aider son mari à devenir l’un des hommes éminens de sa ville natale et dont les fils devaient figurer au livre d’or des millionnaires anglais.

A l’époque où Martha Turner entrait au service de miss Oldfield, John Crossley, quittant l’atelier de son père, entreprenait de diriger, pour le compte d’un de ses oncles, une fabrique de tapis à