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décida ses frères à se joindre à lui et à ouvrir une carrière. Tout d’abord, il s’assura d’un bail à long terme et à bas prix, emprunta les premiers capitaux et loua des ouvriers.

À cette époque, les mines de houille avaient encore peu de valeur, et, en Écosse, les salaires étaient minimes. La plupart des mineurs se contentaient forcément de faibles gages, et la législation, qui faisait virtuellement du débiteur une sorte d’homme-lige du créancier, les assujettissait à un labeur constant. Quelques avances à eux faites par le patron, et qu’ils étaient presque toujours hors d’état die rembourser, les mettaient à sa merci. Payés, le plus souvent, en vivres et en vêtemens dont ils s’approvisionnaient au magasin attaché à l’exploitation, ils touchaient fort peu en numéraire, et, constamment obérés, vivaient et travaillaient sur place, sans pouvoir chercher ailleurs une situation plus lucrative ou plus indépendante.

Toujours le premier et le dernier au travail, James Baird leur donnait l’exemple, et tout en les exploitant, comme d’ailleurs on les exploitait partout, il était populaire parmi eux, étant presque des leurs par son origine et son éducation. Il réussît à gagner quelque argent et, confiant dans l’avenir, prit à long bail d’autres houillères, attendant le moment, pressenti par lui, où la demande des charbons de terre, excédant la production, déterminerait une hausse dont il entendait bien profiter. Il se hâtait, sentant approcher l’heure, multipliant ses achats de terrain et ses baux, usant jusqu’au bout du crédit qu’il devait à son ardeur au travail et au succès de ses premiers débuts, ne doutant plus du résultat, mais loin de soupçonner qu’il deviendrait le plus riche commoner du royaume-uni, et que sa fortune éclipserait les plus hautes fortunes de l’aristocratie territoriale.

En 1789, Joseph Lebon, en France, et en 1798, Murdoch, en Angleterre, avaient conçu l’idée de l’éclairage par le gaz. Tous deux s’y étaient ruinés. Leur gaz, mal épuré, avait une odeur fétide et donnait naissance, par la combustion, à des produits nuisibles, tels que l’ammoniaque et l’hydrogène sulfuré. Joseph Lebon, le premier inventeur de ce mode d’éclairage si usité aujourd’hui, mourut pauvre et d’une mort tragique. Le lendemain de la cérémonie du sacre de l’empereur, le 3 décembre 1804, on trouvait aux Champs-Elysées son cadavre percé de coups de couteau. Mais l’idée survivait. Un ingénieur allemand, Winsor, la reprenait pour son compte en Angleterre. Encouragé par George III, il parvint à organisera Londres une compagnie d’éclairage par le gaz, et tenta d’en établir une à Paris; mais la lutte qu’il eut à soutenir contre les intérêts que mettait en péril l’invention nouvelle épuisa ses forces.