Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 90.djvu/922

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’unanimité avec laquelle on demande leur suppression ou leur réforme est une des raisons qui militent le plus en faveur de son projet. »

La conclusion est que l’Égyptien, en dépit de son inconsciente bassesse, ne peut tarder, au contact incessant de la civilisation européenne, de se relever à ses propres yeux, et de sentir s’éveiller en lui ce sentiment si puissant chez nous et si inconnu chez lui, l’amour-propre. Mais en attendant ce phénomène, lord Dufferin rappelle que des hommes d’état illustres, dont l’Angleterre et la France déplorent la perte, ont assuré que l’Égypte ne pouvait exister sans être sous la discipline combinée de « deux maîtres d’école étrangers et sous la menace de la courbache ou bastonnade domestique. » Il voudrait que l’on accordât aux Égyptiens, — Tout en agissant prudemment, — des institutions représentatives comme celles des conseils municipaux et des conseils provinciaux, le tout aidé de paternels avis, o Qu’on se garde bien, dit-il encore, de vouloir gouverner de Londres la vallée du Nil! Ce serait appeler sur les Anglais la haine de ses habitans. Le Caire deviendrait un foyer de conspiration alimenté pour leur nuire; ils seraient bientôt contraints de s’embarquer, d’abandonner le pays dans des conditions désastreuses. Il faut qu’ils se contentent d’un rôle pacifique et modérateur ; ils doivent se souvenir qu’ils ne sont pas en Égypte pour faire de l’arbitraire, mais pour aider les habitans à se gouverner eux-mêmes. En agissant ainsi, en écartant toute trace d’autorité vexatoire, la Grande-Bretagne garderait intactes les traditions de patriotisme et de liberté qui sont leur gloire dans les contrées diverses où la fortune les a jetés. »

« Des mots ! des mots ! » dirai-je avec Hamlet. Je voudrais pouvoir dire aussi qu’il ne reste rien de cette composition fantaisiste. Hélas! loin de là! Il reste un maître d’école, sir Eveling Baring ; il reste la lanière anglaise aux neufs bouts plombés pour suppléer à la bastonnade dans les occasions où la colère anglaise se passe de juges et de tribunaux; il reste encore l’arbitraire, la tutelle irritante, et comme, malgré les conseils du noble lord, c’est Londres qui gouverne dans la vallée du Nil, il reste, comme il a été prédit, la haine des Égyptiens pour ceux qui les dominent.


X. — LE PARTI NATIONAL.

La preuve que le diplomate tant vanté par la presse de Londres n’a pas étudié la question égyptienne comme il eût dû le faire, c’est que, dans ses vues générales sur le pays, il n’a presque rien dit du parti national. Nous avons vu pourtant que ce parti existait. S’est-il