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Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 90.djvu/949

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nous le répéterons volontiers du sien : « qu’on ne descend jamais deux fois le cours du même fleuve, » et que, pour nous intéresser au récit d’un voyage en Touraine, en Provence, ou en Italie, c’est assez qu’avant de l’écrire on ait vraiment connu et senti le plaisir de le faire.

Voici enfin les romans, anciens et modernes, anglais et français, le Vicaire de Wakefield, avec eaux-fortes de M. Lalauze, dans cette Petite Bibliothèque artistique[1] où le choix des ouvrages le dispute à l’élégance de l’impression, et, en général, à l’intérêt de l’illustration ; le Pirate[2], avec dessios aussi du même M. Lalauze; les Filles du feu[3], de Gérard de Nerval, avec dessins de M. Emile Adan, gravés à l’eau-forte par M. Le Rat, et précédées d’une préface de M. Jules Levallois ; l’Abbé Constantin[4], avec les aquarelles de Mme Madeleine Lemaire; les Contes juifs[5], de M. Sacher-Masoch, illustrés de compositions de MM. A. Lévy, Vogel, Worms, Schlesinger, etc. En écrivant ce recueil de nouvelles, dont il a mis la scène en Alsace, en Allemagne, en Autriche, en Pologne, en Angleterre, en Espagne, M. Sacher-Masoch s’est proposé de retracer un tableau des vieilles mœurs juives « avec leur caractère biblique, leurs naïves superstitions, avec. leurs poétiques légendes, et leur sentiment si vif de la vie patriarcale ; » et, pour y réussir, il n’a eu qu’à puiser dans son livre d’esquisses, le même d’où nos lecteurs se souviennent sans doute qu’il a tiré jadis tant de vivans et poétiques récits. Assurément, par le choix des sujets, comme par la manière fine, sobre et forte en même temps dont ils sont traités, ces Contes juifs sont un recueil unique en son genre, et l’un des livres les plus intéressans de cette année.

Nous ne saurions omettre, dans cette revue rapide, quelques-uns au moins de ces ouvrages qui, pour être plus particulièrement destinés à la jeunesse, ne laissent pas d’être parfois plus agréables que de plus prétentieux. Ce seront ceux qui, cette année comme les précédentes, après avoir égayé, instruit ou passionné les lecteurs du Magasin d’éducation et de récréation, viennent s’ajouter à cette collection Hetzel, dont l’auteur de Maroussia et des Quatre peurs de notre général était plus heureux et plus fier que de tant de petits chefs-d’œuvre échappés de sa plume. Si nous regrettons de n’avoir pas pu lire le dernier volume de M. Jules Verne, Deux Ans de vacances, nous le recommandons cependant sans scrupules. Mais nous avons lu les Exilés de la terre de M. André Laurie, et quelques préjugés que nous entretenions contre le roman scientifique, nous serions ingrat de ne pas confesser le

  1. Jouaust, 2 vol. in-12.
  2. Firmin-Didot, 1 vol. in-8o.
  3. Calmann Lévy, 1 vol. in-8o.
  4. Jouaust, 1 vol. in-8o.
  5. Quantin, 1 vol. in-8o.