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diminution de volume corrélative d’un dégagement de chaleur assez vif[1].

L’aréomètre de Gay-Lussac ne saurait être d’aucun usage pour peser directement les vins ; effectivement, nous savons déjà que les sels et les matières extractives dissoutes dans le liquide tendent à en élever la densité presque jusqu’à la limite spéciale à l’eau pure. Il faut donc créer artificiellement de toutes pièces un mélange d’eau et d’alcool précisément aussi riche que le vin ; c’est ce mélange que l’appareil distillatoire de Salleron permet de réaliser ; on recueille toute l’eau-de-vie, plus ou moins aqueuse, on ajoute de l’eau de manière à rétablir le volume du vin primitif, et on éprouve le tout à l’alcoomètre[2].

Lorsque l’opérateur joint à quelques connaissances chimiques l’habitude des manipulations analytiques, l’appareil de Salleron donne des résultats excellens ; il peut servir à titrer tous les vins, doux ou secs, naturels ou falsifiés, quelle que soit leur richesse ; confié à des mains moins habiles, en l’absence de ces mille petites précautions qu’un chimiste observe instinctivement, sans même lire les recommandations du constructeur, il fournit trop souvent des chiffres absolument erronés. Telle a dû être, dans bien des cas, l’origine d’une foule de contestations qu’on a vu surgir entre les vendeurs, propriétaires ou régisseurs, d’une part, et les marchands de vin, de l’autre ; il a fallu recourir aux lumières d’un expert. De plus, la même méthode est un peu longue : une « pesée » exacte exige au moins une demi-heure.

L’alcool pur entre en ébullition à 78 degrés 4 dixièmes ; l’eau distillée bout à 100 degrés, d’après la définition même de l’échelle thermométrique. Un mélange d’eau et d’alcool se volatilisera à une température intermédiaire entre ces deux termes extrêmes, et d’autant plus haute que l’eau sera plus abondante. Un vin se comportera de même, pourvu qu’il ne soit ni trop sucré, ni trop riche en extrait. Donc, si on observe, au moyen d’un thermomètre bien sensible, le point exact de distillation d’un vin, on pourra en connaître la force alcoolique. Tel est le principe de « l’ébullioscope » imaginé par M. Malligand[3], et que nous ne décrirons pas plus que l’alambic Salleron ; le premier des deux appareils est beaucoup

  1. Faisons remarquer que l’accroissement de densité dérivant de cette contraction est plus que compensé par l’affaiblissement de poids spécifique que subit l’eau après l’incorporation de l’alcool.
  2. Souvent on cherche à concentrer la totalité de l’alcool distillé dans un volume égal seulement à la moitié de celui du vin employé, quitte à dédoubler Ni degré marqué par l’aréomètre, mais le principe reste toujours le même.
  3. L’idée première de l’ébullioscope est due à Tabarié de Montpellier.