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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 91.djvu/311

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pourquoi les conseillers municipaux n’ont pas hésité, en hommes impeccables qu’ils sont, à s’exposer, pour un résultat si glorieux et si utile, aux bruits divers que suggèrent toujours les traités de gré à gré.

Paris a commencé ; mais Saint-Ouen, sans doute, suivra, puis d’autres. L’enseignement d’état, par la force des choses, aboutit toujours à l’uniformité. On dira que le conseil municipal de Paris est aujourd’hui mal composé ; peu importe. Il est dans la nature de l’état moderne, qui sort d’élections fréquentes, d’être souvent mal représenté ; il y aura toujours dans nos assemblées, soit nationales, soit locales, des officiers de santé gonflés d’eux-mêmes qui le prendront de haut avec Pasteur, qui proclameront, sans s’émouvoir et sans émouvoir leurs collègues, qu’ils ont plus de génie que lui, qu’ils concentrent dans leur cerveau toute l’intelligence humaine et qui traiteront l’enfance comme une matière à expérience.

L’état central n’est pas lui-même toujours mieux inspiré. Il ne l’a pas été en France pour l’établissement de la gratuité scolaire, qui fausse les idées de la nation, pour son plan de constructions d’écoles, qui va coûter 1 milliard, et qui couvrira tous les hameaux de constructions qu’ils ne pourront pas même entretenir. Il ne l’a pas été davantage pour l’esprit d’incommensurable orgueil qu’il a insufflé à ces pauvres maîtres d’écoles, pour les certificats d’études dont on a fait un si lamentable abus, pour les dizaines de milliers d’aspirans instituteurs et d’aspirantes institutrices qu’il a fait surgir sur tous les points du territoire, sans places qu’ils ou elles puissent occuper.

Dans beaucoup de pays, en France, en Angleterre aussi, peut-être en Amérique, on est sur la pente de faire nourrir par l’état, ou du moins par les municipalités, qui sont une des formes de l’état, des catégories de plus en plus nombreuses d’enfans. Il est facile de noter les étapes de ce socialisme : on institue d’abord l’école gratuite, puis on fournit les livres, ensuite des vêtemens décens à ceux qui en sont dépourvus, puis un repas que paient les enfans riches et que ne paient pas ceux qui sont réputés indigens. L’absolue gratuité pour tous ces accessoires de l’école finira par être la règle. Parmi les revendications de la Social démocratic Fédération, fondée en Angleterre en 1881, on trouve la free compulsory education for all classes, together with the provision of at least one wholesome meal a day in each school[1], ce qui veut dire

  1. Socialism of the Streets in England, published by the Liberty and Property Defence League, 1888, p. 7.