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Demain, quand vous serez réveillée, vous sonnerez. Voici le cordon de la sonnette.

Je déposai les papiers sur ses genoux et me retirai en hâte. Elle avait besoin de se recueillir, car elle paraissait consternée par tous ces événemens inattendus, qui, depuis des semaines, assombrissaient sa vie, et secouaient si rudement son petit cœur courageux.

Je montai à la chambre que j’avais habitée le premier soir après mon arrivée. Tout habillé, je me jetai sur le lit. Mais cette nuit, je ne dormis guère.

IX.

Le lendemain matin, je me levai de bonne heure. J’éveillai la vieille Lise, et je racontai à la bonne femme étonnée que la nouvelle maîtresse de la maison était arrivée, la fille de M. Irnerius. Sans lui laisser le temps de dire un mot, je l’envoyai en haut pour voir si la demoiselle était déjà réveillée et si elle avait besoin de quelque chose. La pauvre Lise, toute confuse, resta deux heures là-haut avec la demoiselle. Pendant ce temps, j’étais remonté dans ma chambre, et j’arpentais impatiemment la petite pièce, tout en prêtant l’oreille à chaque bruit qui venait de l’escalier.

Je réfléchissais surtout à ce qui pouvait encore manquer pour rendre l’habitation confortable et agréable à la jeune fille. Je songeais aussi à mon retour à Heidelberg. À Heidelberg ! J’allais revoir ma vieille chambre. La vie avait été belle ici, pourtant elle n’avait pas été exempte de tourment. Tout était si mystérieux ! J’avais failli tomber malade. Mais, dehors, il faisait une de ces superbes matinées d’hiver tout ensoleillées ; alors, la vieille maison me parut attrayante et gaie. Puis…

Enfin, la vieille Lise entra chez moi et me pria de descendre chez la demoiselle.

Elle parlait encore que j’étais déjà dans l’escalier. Je m’arrêtai haletant devant la porte d’Angélina. J’hésitais à entrer. Je ne m’en étais pas aperçu, mais il paraît que j’avais frappé, car j’entendis, de l’intérieur, que l’on disait : « Entrez. »

Angélina, vêtue de sa robe grise, était assise près de la fenêtre et déjà coiffée. Sa figure mignonne et fraîche était toute métamorphosée par les rayons du soleil. Je la trouvai beaucoup plus jolie encore que la veille. Elle avait l’air si calme, si résolu que je jugeai tout de suite superflu mon rôle de protecteur.

— Bonjour, mon cousin Erwin, dit-elle d’un ton aimable. Donne-moi la main.

C’était la première fois qu’elle me tutoyait et m’appelait son cou-