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personnel de ces tribunaux. Tous réunissent-ils les connaissances juridiques ou administratives nécessaires à leurs fonctions? D’aucuns disent qu’il n’en est pas toujours ainsi, non-seulement, certes, dans les cinq tribunaux dont nous venons de parier, mais encore dans les tribunaux consulaires ou étrangers, voire dans les tribunaux de la réforme. On se plaint que l’Europe ait envoyé ici, parfois, des magistrats « d’exportation. » C’est, pour le bon renom du gouvernement qui les nomme, d’un effet déplorable.

Il y a un magistrat européen pour chaque tribunal de première instance, sauf au tribunal du Caire, qui en compte deux. La cour d’appel possède quatre conseillers européens. Comme les tribunaux de Méhémet-Ali, qu’elles ont remplacés, les nouvelles juridictions requièrent sans l’adjonction d’un jury, les affaires civiles, commerciales et pénales, les affaires criminelles comprises.

Les tribunaux consulaires ou étrangers, en Asie, marquent d’une façon caractéristique l’époque où l’Occident, à tour de rôle, a établi son incontestable supériorité sur l’Orient. Ils furent créés par les différens gouvernemens européens qui, depuis le XVIe siècle, conclurent des traités de commerce, de paix et d’amitié avec la Sublime-Porte. C’est ce qu’on appelle le régime des capitulations, fondé sur ce principe de droit international : l’exterritorialité. La création des tribunaux internationaux par son excellence Nubar-Pacha a porté un grand coup à la vieille institution des tribunaux consulaires, mais elle n’a pu les faire disparaître entièrement. Ils restent compélens pour connaître, en sus des matières pénales et du statut personnel, qui échappent à la compétence des tribunaux mixtes, de toutes actions personnelles et mobilières entre justiciables de même nationalité. En somme, les tribunaux consulaires ne sont que des tribunaux de paix et de première instance; les juridictions d’appel et de révision résident à l’étranger. Pour la France, c’est à la cour d’Aix, en Provence, que ressortissent les appels interjetés contre les décisions rendues par les juridictions françaises d’Egypte.

En 1875, l’ex-ministre des affaires étrangères, Nubar-Pacha, se rendit à Constantinople pour apaiser la colère qu’éprouvait le sultan contre Ismaïl au sujet de certains actes trop indépendans et de dépenses trop peu réfléchies. L’orage qui menaçait le vice-roi se dissipa, et l’habile ministre revint de Turquie avec un projet de réforme des tribunaux, projet qui n’était qu’un moyen de tenir en échec l’absolutisme de son maître et de donner des garanties à l’Europe pour le concours financier dont ce dernier avait tant besoin. Treize puissances européennes et les États-Unis adhérèrent à cette réforme de la justice, qui date de 1875. Les tribunaux internationaux, établis d’abord pour une période de cinq ans, virent