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cours d’eau, de subventions du trésor aux états pour le développement de l’instruction populaire.

Les républicains ont trouvé un meilleur terrain d’attaque, et c’est M. Blaine qui a su le leur indiquer. Comprenant bien que toutes les anciennes questions étaient usées, qu’on n’en pouvait plus rien tirer contre les démocrates après l’épreuve concluante des trois années écoulées, M. Blaine décida, dès la fin de 1887, d’attirer son adversaire sur la seule grande question qui pût de nouveau diviser la masse électorale en deux camps distincts, sur la question économique, et il eut la satisfaction de voir M. Cleveland tomber du premier coup dans le piège qu’il lui tendait. Lorsque le président eut, dans son message de décembre 1887, donné décidément le pas sur toutes les autres questions à la question du tarif et arboré le drapeau de la réduction des droits d’importation, le terrain de combat était tout préparé pour les républicains. A la voix de M. Blaine, leur « Henri de Navarre, » ils s’enfoncèrent plus obstinément que jamais dans l’impasse du protectionnisme à outrance. Il s’agissait de sauver le « système américain » menacé par le pouvoir exécutif, de rallier tous les intérêts manufacturiers dans les états du Nord et de l’Est, et d’ameuter les classes ouvrières contre le président qui aspirait à ouvrir l’Amérique au monstre du libre échange, à arracher aux travailleurs leur salaire, à livrer sans défense à la compétition des usiniers anglais les industries américaines, si prospères sous le régime des hauts tarifs. L’entreprise était hardie; elle a réussi.


IV.

Les États-Unis ont la bonne fortune de présenter un spectacle vraiment unique en ce qui concerne leur situation budgétaire. Pendant qu’en Europe les gouvernemens s’épuisent en efforts pour se procurer des ressources nouvelles et combler un déficit qui reparaît toujours d’année en année malgré l’augmentation progressive des recettes, les Américains sont assez heureux pour être tourmentés par la difficulté de résoudre le problème dans le sens inverse. Le budget fédéral est constamment en excédent ; chaque année, le surplus des recettes sur les dépenses est considérable. En 1867, dès le lendemain de la guerre civile, l’excédent a été de 675 millions de francs. Il a atteint plus de 500 millions, en moyenne, dans les années suivantes, et s’est élevé jusqu’à 750 millions en 1881-1882. Pendant le dernier exercice fiscal, du 1er juillet 1887 au 30 juin 1888, le trésor fédéral a reçu 1,897,650,000 fr. et dépensé 1,365,500,000 fr. Le surplus des recettes a été, par