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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 91.djvu/686

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Étrangères ; et il est vrai qu’il n’eût pas pu écrire sur le bouddhisme les éloquentes études que nous devons à M. Renan, mais enfin, pour parler de Confucius ou de Sammanocodom, ce n’est pas les documens ou les « mémoires,» comme on disait alors, qui lui eussent manqué. Seulement, de la Chine et des Indes, il croyait avoir des raisons de se taire, et, quand on essaie de les préciser, il se trouve justement que ce sont les meilleures de celles de M. Renan pour ne reconnaître dans le passé de l’humanité que trois histoires de « premier intérêt. »

Excentriques à l’histoire de la civilisation occidentale ou méditerranéenne, nées d’elles-mêmes et développées sur place, les civilisations de l’Inde et surtout de la Chine, si jamais elles doivent entrer dans le dessein d’une histoire « universelle, » ce ne sera qu’à compter du jour où elles sont entrées en contact avec les civilisations qui tirent leur origine de celles d’Israël, de la Grèce et de Rome. Immobilisées de bonne heure dans des formes rigides, assez semblables à celles, nous dit encore M. Renan, qui maintiennent toujours dans leurs cadres « les républiques des abeilles et celles des fourmis, » c’est d’ailleurs une question de savoir si les civilisations rudimentaires, et cependant achevées en leur genre, de l’Inde et de la Chine, étant hors du mouvement, ne sont pas en dehors de la notion même de civilisation. Et arrêtées enfin, ou nouées, si l’on veut, dans leur développement, par des causes qui, pour être inconnues, n’en sont pas moins certaines, elles ne font jusqu’ici partie de l’histoire même de l’humanité que dans la mesure où l’histoire des royautés nègres de l’Afrique centrale ne lui est pas tout à fait étrangère. C’est ce que prouve au surplus l’exemple de tous ceux qui, de notre temps, ont prétendu les faire entrer dans leurs Histoires, je ne dis pas universelles ou de l’antiquité, mais de l’Ancien Orient. Ils les y ont juxtaposées à celles de la Grèce ou de Rome : ils n’ont pas pu les y incorporer ; et ceux qui viendront après eux ne le pourront pas plus qu’eux. Car, en réalité, nous ne devons rien à la Chine ou à l’Inde; et l’histoire de la civilisation n’est que l’histoire de Rome et de la Grèce, modifiées l’une par l’autre, et plus profondément encore par l’action du ferment israélite.

Si nous ne devons rien à la Chine ou à l’Inde, rien au Chi-King et rien au Mahabharata, si l’histoire même du bouddhisme est en quelque sorte extérieure à notre histoire universelle, il est facile, au contraire, de montrer ce que nous devons à la Bible, et que, sans elle, nos civilisations modernes auraient manqué de quelques-unes de leurs parties les plus hautes. Même lorsque nous n’y verrions, comme dans l’Iliade ou dans l’Odyssée, que ses qualités esthétiques ou littéraires, et, au lieu de « l’esprit de Dieu, » lorsque nous