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MÉMOIRES
D’UNE
PRINCESSE ARABE

Memoiren einer arabischen Prinzessin, par Emilie Ruete, 2 vol. Berlin.

La vie de la femme arabe nous est mal connue, et nous en sommes réduits à deviner ses sentimens et ses idées. Il est vite fait de dire qu’elle ne compte pas, n’étant rien qu’un petit animal sensuel qu’on mène par la crainte. Il est vite fait de lui accorder beaucoup de compassion, avec un peu de mépris, et de croire qu’il n’est pas une princesse d’Arabie ou d’Afrique qui ne consentit avec joie à être balayeuse chez nous. Peu de princesses ayant eu jusqu’ici l’occasion d’en faire l’épreuve, et aucune ne nous ayant raconté ses impressions, nous étions libres d’en croire ce qu’il nous plaisait.

Voici qu’une d’entre elles s’est mise à nous faire ses confessions. Une fille de sultan, après avoir vécu vingt ans en altesse musulmane, s’est fait enlever par un marchand de Hambourg, et a mené vingt autres années la vie d’une brave ménagère allemande. Elle a appris dans ce nouveau milieu à analyser tant bien que mal ses sensations, et elle publie ses Mémoires. L’objet de son récit candide est justement de comparer la première partie de sa vie à la seconde, la famille arabe à la famille chrétienne. Si les volumes de la transfuge qui s’appelle aujourd’hui, de son nom de chrétienne,