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ont de notre temps écrit d’assez nombreuses poésies dans les deux patois jersiais et guernesiais. Le plus apprécié de ces poètes est le Guernesiais George Métivier (mort en 1881, à l’âge de quatre-vingt-onze ans), qui a aussi publié un dictionnaire du patois de son île. À Jersey, M. A.-A. Le Gros (mort en 1879) a publié pendant une dizaine d’années, sous le nom de Nouvelle Année, un recueil de poésies originales dans les patois des deux îles, recueil accompagné de courts glossaires[1]. Aujourd’hui encore, les almanachs et journaux du pays publient de temps à autre des variétés en patois, soit vers, soit prose.

Nous citerons une de ces poésies pour égayer un peu notre sujet, et pour donner au lecteur français une idée du patois des îles normandes avant qu’il ne disparaisse :


UN’ BUONN’ NOUVELLE ANNÉE


Buonn’ nouvelle année, buonn’s gens,
lL’ un’ millieur’ que chell’ de d’vant !
Jours sans peine et niis sans plieurs,
Port’ freumée contr’ les docteurs ;
D’aigrifins être à l’abri ;
Rein à faire av le fossi :
V’lo l’heureus’ nouvelle année,
Qui par nous vo’s est s’u’aitée !

Buonn’ nouvelle année, buonn’s gens,
I’un’ millieur’que chell’ de d’vant !
Homm’s à vous, ô jeun’s biautés !
Miots ès coupl’s désappointés !
Buons travas et buonn’ foison,
Joie et paix dans chaqu’ maison :
V’lo l’heureus’ouvelle année
Qui par nous vo’s est s’u’aitée !

Buonn’ nouvelle année, buonn’s gens !
l’ un’ millieur’que chell’ de d’vant !
Cœur ligi à cause du bein
Qu’ou puôrez faire a plien’ main ;
Tant d’pas vers Dieu avanchi
Que vers fosse allez franchi, —
V’lo l’heureus’ nouvelle année
Qui par nous vo’s est s’u’aitée ![2].

Il y a dans les îles une colonie française qui, à Jersey, est importante par le nombre. Elle compte environ 8,000 personnes à

  1. Un Anglais, M. J.-L. Pitts, qui s’est pris d’affection pour le patois des îles, a publié en deux volumes une anthologie de poésies patoises, avec traduction en vers français, sous ce titre : Patois Poems of the Channel Islands, Guernesey, s. d..
  2. Nous avons emprunté ce morceau aux Rimes et poésies jersiaises de divers auteurs, recueillies et mises en ordre par A. Mourant. Jersey, 1865, p. 161.