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Plus d’une fois dans ce siècle, les principaux états de l’Europe, s’érigeant en amphictyons, se sont concertés pour résoudre pacifiquement certaines questions litigieuses et pour se porter garans des droits des petits. Ils n’ont point allumé de guerre sacrée ; mais on a pu remarquer que le plus souvent ils restaient fidèles à leur mission aussi longtemps qu’elle s’accordait avec leur intérêt, que plus tard leur intérêt ayant changé, ils trouvaient quelque biais, quelque échappatoire, quelque faux-fuyant pour se dérober à leurs devoirs, il est toujours facile à un homme d’état d’en trouver.

Un professeur de droit constitutionnel à l’université de Belgrade, M. Milovanovitch, qui avait pris son grade de docteur à la faculté de Paris, vient de publier un livre fort bien fait et fort mélancolique sur les traités de garantie au XIXe siècle[1]. C’est l’histoire impartialement écrite de toutes les conventions signées dans ce siècle et de toutes les infractions que les signataires y ont faites. Les actes de garantie sont, selon l’expression de l’auteur serbe, « des traités par lesquels une ou plusieurs puissances s’engagent soit à respecter, soit à faire respecter un certain état de choses concernant la situation internationale ou même la situation intérieure d’un ou de plusieurs autres états. » Le garant apparaît comme le protecteur des droits du garanti ; mais la garantie diffère du protectorat en ce que le protecteur exerce des droits de tutelle, tandis que, le garant jouant plutôt le rôle de mandataire, la personnalité d’un petit état ne se trouve point diminuée par l’acte passé à son profit.

M. Milovanovitch divise les traités de garantie en quatre classes, selon qu’il s’agit de reconnaître et d’assurer soit l’indépendance et l’intégrité territoriale d’un état impuissant à se défendre lui-même, soit sa neutralité perpétuelle, soit le maintien d’un gouvernement, soit enfin certains droits politiques ou civils d’une classe particulière de citoyens. Quel que soit l’objet d’un traité de garantie, il ne sera qu’une vaine formalité, un leurre de dupe, si les garans ne se sentent pas tenus par leurs engagemens, s’ils ne sont pas résolus à payer de leur personne, le cas échéant, pour assurer l’exécution du contrat. Ils ont promis de donner aide et secours au garanti, s’il était lésé dans un de ses droits ; quoi qu’il puisse leur en coûter, ils doivent lui prêter main-forte et faire l’acquit de leur charge. Malheureusement, comme le remarque M. Milovanovitch, les états souverains sont leurs propres juges, ce sont eux qui décident jusqu’à quel point ils sont tenus de faire honneur à leur signature ; peut-être leur conviendra-t-il de la laisser protester. Les

  1. Les Traités de garantie au XIXe siècle, étude de droit international et d’histoire diplomatique, par M. Milovanovitch. Paris, 1888 ; Arthur Rousseau, éditeur.