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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 92.djvu/217

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REVUE DRAMATIQUE

Vaudeville : Marquise, comédie en 3 actes et en prose, de M. Victorien Sardou.

Ce n’est pas au Vaudeville, ni même peut-être au théâtre du Palais-Royal que M. Victorien Sardou eût dû donner Marquise, c’est au Théâtre-Libre, et sous le pseudonyme d’Henry Céard ou de Paul Alexis. Elle y eût pris par-dessus les nues, comme disaient nos pères, et ses pires défauts en fussent devenus les beautés les plus naturalistes. Mais il aura craint qu’Antoine, tout en appréciant la haute inconvenance des deux derniers actes, n’en trouvât par hasard le premier trop spirituel, trop brillant, trop amusant pour le boulevard de Strasbourg, et la pièce entière trop adroitement faite. On sait assez, et nous en avons tous les mois une preuve nouvelle, qu’au Théâtre-Libre, la première qualité que la direction exige d’un auteur, c’est de ne pas connaître le premier mot de son art, afin qu’ainsi l’inexpérience puisse produire en lui des effets qui ressemblent à de l’originalité. Et, en vérité, ne faudra-t-il pas convenir un jour qu’elle a raison? Je veux dire, si la connaissance et la science du métier non-seulement n’ont pas empêché M. Victorien Sardou de composer Marquise, mais encore ne lui ont servi qu’à nous faire accepter quelques heures l’un des sujets les plus fâcheux qu’on eût mis depuis quelque temps à la scène, — où cependant il n’en manque pas.

Ce qui d’ailleurs m’étonne le plus, de la part d’un si habile homme, ce n’est pas qu’il ait beaucoup osé, l’audace, une audace tranquille,