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des cours y sont déserts ; il n’y a de suivis que ceux de mathématiques et surtout ceux de dessin, notamment ceux de dessin graphique, probablement par de futurs arpenteurs, de futurs conducteurs des ponts et chaussées, de futurs entrepreneurs de bâtisse, et par quelques aspirans à l’École polytechnique; pour les autres cours, lettres, histoire et sciences morales, tels que la République les comprend et les impose, on ne parvient pas, dans toute la France, à recruter en tout plus d’un millier d’auditeurs; au lieu de 72,000 élèves, l’enseignement secondaire n’en a plus que 7,000 ou 8,000[1] ; et six élèves sur sept, au lieu d’y chercher une culture, s’y préparent à un métier.

C’est bien pis pour l’enseignement primaire. On a chargé les administrations locales d’y pourvoir ; mais le plus souvent, comme elles n’ont pas d’argent, elles s’en dispensent, et, si elles ont installé l’école, elles ne peuvent pas l’entretenir[2]. D’autre part, comme l’instruction doit être laïque et jacobine, « presque partout[3] » l’instituteur est un laïque de rebut, un jacobin déchu,

  1. Albert Duruy, Ibid., 194. (D’après les relevés de 15 écoles centrales, de l’an VI à l’an VIII.) Moyenne par école centrale : pour le dessin, 89 élèves ; pour les mathématiques, 28; pour les langues anciennes, 21; pour la physique, la chimie et l’histoire naturelle, 19; pour la grammaire générale, 15; pour l’histoire, 10; pour la législation, 8; pour les belles-lettres, 6. — Rocquain, ibid., p. 29. (Rapport de Français, de Nantes, sur les départemens du sud-est.) « Là. comme ailleurs, les chaires de grammaire générale, de belles-lettres, histoire et législation, sont désertes. Les chaires de mathématiques, chimie, latin et dessin sont un peu plus suivies, parce que ces sciences ouvrent des carrières lucratives. » — Ibid., p. 108. (Rapport de Barbé-Marbois sur les départemens de la Bretagne.)
  2. Statistiques des préfets, Meurthe, par Marquis, an XIII, p. 120. « Dans les écoles communales des campagnes, la rétribution était si modique que les plus pauvres familles pouvaient contribuer à ce salaire. Des prélèvemens sur les biens communaux aidaient d’ailleurs, presque partout, à former un traitement avantageux à l’instituteur, en sorte que ces fonctions étaient recherchées et communément bien remplies... La plupart des villages avaient pour institutrices des sœurs de Saint-Vincent-de-Paul ou d’autres connues sous le nom de Vatelottes. — Le partage des biens communaux et la vente de ceux qui étaient assignés aux anciennes fondations ont privé les communes des ressources qui fournissaient un salaire honnête aux maîtres et maîtresses d’école; le produit des centimes additionnels suffit à peine aux dépenses administratives. — Aussi n’y a-t-il plus guère maintenant que des personnes sans moyens qui prennent un état trop mal rétribué ; encore négligent-ils leurs écoles, dès qu’il se présente toute autre occasion de gagner quelque chose. » — Archives nationales, n° 1,004, cartons 3044 et 3145. (Rapport des conseillers d’état en mission dans l’an IV. — 1re division militaire. Rapport de Lacuée.) Aisne : « Il n’y a point maintenant d’école primaire suivant institution légale. » — Même situation dans l’Oise, et dans la Seine pour les arrondissemens de Sceaux et Saint-Denis.
  3. Albert Duruy, 178. (Rapport rédigé par les bureaux du ministère de l’intérieur, an VIII.) « Détestable choix de ceux qu’on a appelés des instituteurs : ce sont presque partout des hommes sans mœurs, sans instruction, qui ne doivent leur nomination qu’à un prétendu civisme, qui n’est que l’oubli de toute moralité et de toute bienséance... Ils affectent un mépris insolent pour les (anciennes) opinions religieuses. » — Ibid., p. 497. (Procès-verbaux des conseils-généraux.) Sur les instituteurs primaires, Hérault : « La plupart ineptes et sans aveu. » — Pas-de-Calais : « La plupart ineptes ou immoraux. »