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Il en exempte aussi les ignorantins ou frères des écoles chrétiennes, qui sont les instituteurs du petit peuple. À leur égard et à l’égard de toute autre institution catholique, il suit la même règle utilitaire, la maxime fondamentale du bon sens laïque et pratique : quand des vocations religieuses viennent s’offrir pour un service public, il les accueille et se sert d’elles, il leur accorde des facilités, des dispenses, des faveurs, sa protection, ses dons, ou tout au moins sa tolérance. Non-seulement il emploie leur zèle, mais encore il autorise leur association[1]. Ignorantins, Filles de la Charité, Sœurs Hospitalières, Sœurs de Saint-Thomas, Sœurs de Saint-Charles, Sœurs Vatelottes, plusieurs congrégations d’hommes ou de femmes se reforment avec l’assentiment des pouvoirs publics. Le conseil d’état accepte et approuve leurs, statuts, leurs vœux, leur hiérarchie, leur régime intérieur. Elles redeviennent propriétaires ; elles peuvent recevoir des dons et legs. Souvent l’État leur fait des cadeaux : en 1808[2], trente et une communautés hospitalières et, pour la plupart, enseignantes obtiennent ainsi, par concession gratuite, en toute propriété, les immeubles et bâtimens qu’elles demandent. Souvent aussi[3] l’État pourvoit à leur entretien ; à plusieurs reprises il décide que, dans tel hospice ou dans telle école, les sœurs désignées par l’antique fondation reprendront leur emploi et seront défrayées sur les revenus de l’école ou de l’hospice. Bien mieux, et malgré ses décrets comminatoires[4], en dehors des congrégations qu’il autorise, Napoléon laisse naître et vivre, entre 1804 et en 1814, cinquante-quatre communautés nouvelles, qui ne lui soumettent pas leurs statuts, et qui se passent de sa permission pour exister ; il ne les dissout pas, il ne les inquiète point ; il juge[5] « qu’il y a des caractères,

  1. Alexis Chevalier, les Frères des écoles chrétiennes et l’Enseignement primaire après la révolution, passim. (Arrêtés du 24 vendémiaire et du 28 prairial an XI, du 11 frimaire an XII ; lois du 14 mai 1806, du 7 mars 1808, du 17 février 1809, du 26 décembre 1810.)
  2. Alexis Chevalier, ibid., 189.
  3. Ibid., p. 185 et suivantes. (Arrêtés du 8 août 1803, du 25 mars 1805, du 30 mai 1806.)
  4. Décret du 22 juin 1804 (articles 1 et 4.) — Consultation sur les décrets du 20 mars 1880, par Edmond Housse, p. 32. (Sur les 54 communautés, il y en avait 2 d’hommes, les pères du tiers-ordre de Saint-François, et les prêtres de la Miséricorde, l’une fondée en 1806 et l’autre en 1808.)
  5. Mémorial de Sainte-Hélène. Napoléon ajoute « qu’un empire comme la France peut et doit avoir quelques hospices de fous, appelés Trappistes. » — Pelet de La Lozère, p. 208. (Séance du conseil d’état, 22 mai 1804.) « Mon intention est que la maison des Missions étrangères soit rétablie ; ces religieux me seront très utiles en Asie, en Afrique et en Amérique… Je leur ferai un premier fonds de 15,000 francs de rente… Je veux aussi rétablir les sœurs de la Charité ; je les ai fait remettre déjà en possession de leurs maisons. Je crois qu’il faudra également, quoi qu’on en dise, rétablir les Frères Ignorantins. »