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avorter son concordat de 1802, comme son amnistie de 1802, jusqu’à compromettre son œuvre capitale, la réconciliation commencée, le rattachement de l’ancienne France à la France nouvelle. Néanmoins, son œuvre, même imparfaite, même interrompue et gâtée par lui-même, reste solide et salutaire : les trois grandes machines que la révolution avait démolies avec tant d’imprévoyance, et qu’il a reconstruites à si peu de frais, sont en état de travailler, et, avec des insuffisances ou déviations d’effet, elles rendent au public les services requis, chacune le sien, culte, bienfaisance, instruction. Pleine permission et protection légale aux trois principaux cultes chrétiens et même au culte Israélite, cela seul suffirait déjà aux plus vifs des besoins religieux ; grâce à la dotation fournie par l’Etat, par les communes et par les particuliers, le complément nécessaire ne manque pas; en particulier, la communauté catholique, qui est la plus nombreuse de toutes, exerce et célèbre effectivement son culte, conformément à sa foi, suivant ses canons ecclésiastiques, sous sa hiérarchie orthodoxe ; dans chaque paroisse, ou à portée de chaque paroisse, réside un prêtre autorisé qui confère des sacremens valables ; publiquement, dans un édifice consacré, avec un décor d’abord mince, mais de mieux en mieux restauré, lui-même en étole, il dit la messe ; non moins publiquement, des congrégations de religieux et de religieuses, des frères en robe noire, des sœurs en guimpe et cornette desservent les écoles et les hospices. D’autre part, dans ces hospices et hôpitaux bien desservis et bien administrés, dans les bureaux de bienfaisance, les ressources ne sont plus trop intérieures aux besoins, et la charité chrétienne, la générosité philanthropique opèrent incessamment, de toutes parts, pour remplir les caisses vides ; à partir de 1802, les legs et dons privés, autorisés par le conseil d’état, se multiplient : de page en page, on les voit affluer dans le Bulletin des lois[1]. De 1800 à 1845, les hôpitaux et hospices recevront ainsi plus de 72 millions, et les bureaux de bienfaisance, plus de 49 millions; de 1800 à 1878, tous ensemble ils recevront ainsi plus de 415 millions[2]. Pièce à pièce, l’ancien patrimoine des pauvres se reconstitue ; et, le 1er janvier

  1. Collection des lois et décrets, passim, à partir de 1802.
  2. Documens fournis par M. Alexis Chevalier, ancien directeur de l’assistance publique : total du montant des legs et dons faits : 1° aux hospices et hôpitaux; du 1er janvier 1800 au 31 décembre 1845 72,593,360 francs; du 1er janvier 1840 au 31 décembre 1855, 37,107,812; du 1er janvier 1856 au 31 décembre 1877, 121,197,774. Total, 230,898,346 francs. — 2° aux bureaux de bienfaisance; du 1er janvier 1800 au 31 décembre 1845, 49,911,090; du 1er janvier 1846 au 31 décembre 1873, 115,629,925; du 1er janvier 1874 au 31 décembre 1877, 19,261,065. Total, 184,802,080. — Total général, 415,701,026 francs.