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l’attaque imminente. Tous pour un, un pour tous, devient le mot d’ordre. On se concerte pour les signaux à faire en cas de danger, on désigne les chefs, on fourbit les armes. Dans chaque settlement, on procède au dénombrement des hommes valides. D’un settlement à l’autre, on s’engage à se prêter main forte. On demande des renforts à l’Angleterre, qui n’en a pas à donner ; à défaut de soldats, elle octroie une charte. Les colons en tireront bon parti, car elle leur confère la légitime propriété du sol au nom de l’Angleterre, qui le possède « par droit de découverte et de première occupation. »

Charles Ier succombait dans sa lutte avec le parlement, et le Commonwealth of England, sous le lord protecteur Olivier Cromwell, avait assez à faire d’enlever la Jamaïque à l’Espagne, d’abaisser la marine hollandaise, de comprimer l’Ecosse et l’Irlande frémissantes. On n’en pouvait attendre des secours ; on s’en passa. La lutte éclatait, et les Indiens Péquots incendiaient et pillaient les settlements du Connecticut-River. Dans ces guerres obscures et prolongées, si le courage des colons n’est pas pour surprendre, celui des femmes étonne. Les récits du temps nous les montrent aussi vaillantes que les hommes, repoussant, aidées de leurs seules filles, l’assaut des Indiens que leurs maris et leurs fils, trompés par un stratagème, poursuivent au loin, maniant la carabine comme la quenouille, intrépides quel que soit le nombre des assaillans, n’hésitant pas à s’ensevelir sous les décombres de leurs demeures incendiées plutôt que de tomber vivantes aux mains de leurs ennemis.

Guerre sans merci ni quartier de part et d’autre, large coup de faux qui fit le vide autour des settlements, moissonnant l’Indien comme le blé mûr, le rejetant si loin dans les forêts qu’on ne songea de longtemps à l’y suivre. On respirait enfin ; l’effort avait été puissant, mais l’émigrant restait maître, et, dans cette redoutable épreuve où la colonie du Nord avait failli sombrer, la femme s’était montrée une fois de plus la compagne et l’égale de l’homme. Si le danger commun l’avait encore grandie, s’il avait resserré des liens déjà si forts, ce danger, qui rapprochait les âmes, unissait les settlements, reliait les colonies éparses. La première ligue se constituait en 1643 ; le Massachusetts, Plymouth, New-Haven et le Connecticut formaient, sous le nom de Nouvelle-Angleterre, une confédération, berceau de la grande Union américaine.


III.

Nous avons essayé de montrer le rôle et l’influence de la femme dans les settlements du Nord, ses qualités et ses traits distinctifs ;