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autrichien. En tout cas, ce langage n’aurait pu qu’effrayer les princes allemands, qu’ils voulaient rassurer, et l’opinion, qu’ils prétendaient gagner. Au contraire, ce sont les partisans de la Ligue des princes qui crient bien haut au public : « Prenez garde, si l’Autriche réussit à annexer la Bavière, si sa puissance ne trouve plus de contrepoids en Allemagne, c’en est fait de la « liberté allemande. » Sa domination va peser sur les états secondaires et leur enlever toute indépendance. Les princes ecclésiastiques se verront séculariser, les autres médiatiser, et peu à peu cette république de rois deviendra une monarchie. Tous les résultats, politiques et religieux, de la guerre de trente ans, vont être remis en question. » Pour éviter ce malheur, on va jusqu’à s’adresser aux puissances étrangères, garantes, comme l’on sait, des traités de Westphalie. « La France, écrit M. de Hofenfels, ne peut pas permettre que l’Allemagne se transforme en monarchie, car l’armée d’un empereur d’Allemagne serait tout autre chose que le contingent de l’empire. » Ce malheureux contingent était la risée de tous les militaires de l’Europe, mais surtout des Autrichiens et des Prussiens. Il était fourni par tous les petits princes, proportionnellement à l’étendue de leur territoire. On voyait parfois trois ou quatre souverains minuscules s’associer pour fournir une compagnie, et se disputer à qui en désignerait le capitaine. Ce contingent disparate s’assemblait difficilement et se battait piteusement. il avait fait triste mine à Rosbach, à la grande joie de Frédéric II et de ses soldats. « La Russie, dit encore M. de Hofenfels, ne peut pas tolérer que l’Autriche annexe 12 millions d’Allemands, car son voisin allemand lui deviendrait alors plus redoutable que le Turc, »

Ces mots sont déjà significatifs : un mémoire de M. de Hertzberg, rédigé sur les instructions de Frédéric II, est encore plus explicite. Selon ce ministre prussien, la paix de Westphalie n’avait pas été payée trop cher au prix de trente ans d’une guerre épouvantable, puisqu’elle avait établi un équilibre européen dont la première condition était l’impuissance politique de l’Allemagne. Il invoque la garantie de l’étranger, il réclame son intervention pour maintenir cet équilibre, il avertit la France et la Russie du danger que leur ferait courir une Allemagne politiquement unifiée, il démontre qu’un empire puissant est incompatible avec la paix de l’Europe ! Et ce ne sont pas là des communications confidentielles transmises de cabinet à cabinet sous le sceau du secret, à la poursuite d’ambitions inavouables. Ce sont des argumens patriotiques destinés à agir sur l’opinion allemande et à prouver que la Ligue des princes mettait l’intérêt national avant tout ! Par une singulière ironie de l’histoire, les mêmes raisons qui ont barré la route à l’Autriche au XVIIIe siècle ont frayé la voie à la Prusse au XIXe En 1785, on