percepteurs. On peut compter sur une justice plus impartiale quand on ne plaide pas contre l’état, redoutable personnage qui jouit de tant de moyens de pression. Quant à l’abolition de la différence des primes, qui aujourd’hui sont graduées sur les diversités des risques, cette mesure réputée humanitaire fausserait les idées du public et aurait des inconvéniens réels : cette différence des primes est juste, puisqu’elle est conforme à la nature des choses : elle a un effet utile, celui de pousser au progrès, aux arrangemens, dans les constructions soit de maisons, soit de navires, qui comportent les primes les moins élevées, c’est-à-dire les moindres risques. Si l’état veut faire la charité, qu’il la fasse ouvertement.
Si l’assurance d’état offrait en elle-même tant de causes de supériorité, on ne comprendrait pas que des assurances privées pussent résister dans beaucoup de pays à la concurrence d’assurances officielles. Or c’est le cas en France et en Angleterre pour les caisses d’assurances sur la vie et sur les accidens. Les caisses officielles fondées en France sous le second empire, quoique, par une pensée philanthropique, elles consentissent des tarifs singulièrement avantageux aux déposans, n’ont jamais pu se développer. Il en a été de même en Angleterre. Devançant d’une quinzaine d’années M. de Bismarck, M. Gladstone. en 1864, avait cru devoir créer un système de petites assurances officielles, analogue à notre caisse des retraites. Jamais cette institution n’a pu se développer. En 1881, au bout de dix-sept ans, elle n’avait créé que pour 4 millions et demi de francs de rente viagère et elle n’avait fait d’assurances sur la vie que pour 12 millions et demi de francs. Les enquêtes faites sur cet échec, notamment en 1882, ont mis en lumière que le but n’avait pas été atteint, par la raison surtout que l’état, personnage peu attrayant de sa nature, avait voulu faire le commerce sans avoir aucun des dons qui permettent d’attirer librement la clientèle. L’Allemagne elle-même a fourni la preuve que les assurances officielles, en dépit de toute l’économie de rouages qu’on leur attribue, ne peuvent triompher des assurances libres. Dans les divers pays allemands et dans les contrées scandinaves, il existe de nombreuses caisses officielles d’assurance contre l’incendie ; leur existence remonte au moyen âge, à cette époque où la commune allemande jouissait d’une forte autonomie. En Allemagne, en Autriche, en Suisse, en Danemark, on trouve donc de ces caisses officielles soit communales, soit provinciales, soit même nationales, qui fonctionnent concurremment avec les sociétés mutuelles ou les sociétés par actions. Ces dernières sont, d’ordinaire, beaucoup plus récentes. Jouissant de la priorité, ayant été parfois même, pendant longtemps, obligatoires, il semble que ces assurances officielles eussent dû former un obstacle à la création et au