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d’observation primitif, on s’est trouvé, plus d’une fois, en présence de résultats contradictoires qui tiennent sans doute au peu de fixité des images des spectres stellaires[1]. Il y a lieu d’espérer que la méthode photographique, en faisant disparaître cette cause d’erreur, permettra d’utiliser les données de ce genre au même titre que, les mouvemens propres, perpendiculaires au rayon visuel, qui modifient les positions apparentes des astres. On a déjà essayé d’en déduire la direction et la vitesse du mouvement de translation du système solaire, et les résultats s’accordent assez bien avec ceux que l’on avait obtenus par d’autres méthodes[2]. Enfin, ces données sont, pour le moment, les seules dont on puisse tirer parti pour arriver à une connaissance plus complète des orbites des étoiles doubles, car les observations usuelles ne nous révèlent que les orbites apparentes, telles qu’elles se projettent sur la sphère céleste. Ces projections sont des ellipses, et il est plus que probable que les orbites réelles que nous voyons en raccourci sont également des ellipses ; mais il n’est pas rigoureusement démontré que l’étoile principale y occupe l’un des foyers. Il s’ensuit qu’on ne saurait encore affirmer d’une manière absolue que la loi de Newton, la loi de la gravitation universelle, préside aussi aux mouvemens des étoiles doubles, bien que la généralité de cette loi soit extrêmement vraisemblable[3].

L’étude photographique des spectres stellaires est d’ailleurs d’un haut intérêt à d’autres points de vue, et surtout pour la connaissance de la constitution de l’univers. On s’y livre avec ardeur en Amérique ; à l’observatoire de Cambridge, où l’on dispose d’une généreuse fondation que la veuve d’Henry Draper a faite, il y a quelques années, en mémoire de son mari, deux lunettes et deux télescopes sont consacrés à ce genre de recherches. M. Pickering, dont l’énergie ne connaît pas d’obstacles, a fait entreprendre une véritable révision spectroscopique du ciel[4]. On a commencé, en premier lieu, un catalogue des spectres de toutes les étoiles visibles à l’œil nu. Un second catalogue contiendra de nombreux spectres d’étoiles plus faibles, jusqu’à la 8e grandeur. On se propose, en outre, de faire une étude détaillée des spectres des étoiles les plus brillantes, des variables, et en général de tous les spectres qui offrent des

  1. Les changemens de sons de la vitesse de Sirius, s’ils sont réels, pourraient s’expliquer par un mouvement orbitaire.
  2. En prenant la moyenne des nombreuses déterminations, tentées depuis W. Herschel, on trouve, pour les coordonnées du point vers lequel se dirige le soleil, 267 degrés d’ascension droite et 31 degrés de déclinaison boréale. Quant à la vitesse de ce mouvement, on peut l’évaluer à 25 ou 30 kilomètres par seconde ; c’est à peu près la vitesse de la Terre dans son orbite.
  3. Tisserand, Traité de mécanique céleste, t. I, p. 42.
  4. E. -C. Pickering, Annual Reports of the photographic study of stellar spectra.