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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 92.djvu/675

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Enfin on reproche au païen chinois (heathen Chinkee) d’avoir la peau jaune, et surtout des qualités qui s’imposent. Ses rares défenseurs soutiennent qu’il est naturellement respectueux de la loi, très laborieux, fidèle et honnête, donnant une bonne somme de travail pour un bon salaire, sans qu’il soit nécessaire de le surveiller ; il est frugal, sans doute, mais il sait aussi apprécier et se procurer les avantages de notre confort. Les mêmes avocats ajoutent : La moralité des travailleurs jaunes est infiniment supérieure à celle des travailleurs blancs ; leur charité est sans bornes : ils donnent au pauvre méritant. Il suffit de consulter, pour s’en rendre compte, les listes de souscriptions et donations aux hôpitaux et établissemens charitables. Ils ont appris beaucoup de nous, et nous avons beaucoup appris d’eux. Ils sont les seuls qui dans la colonie cultivent et savent cultiver les légumes : sans eux, la colonie en serait privée.

Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage. Du côté des gens pressés de rejeter à la nier les fils de Han, c’est un concert de reproches, de mépris, d’accusations monstrueuses, auquel le cant britannique vient donner un ragoût de haute hypocrisie.

Le 18 février 1884, la législature de la Colombie britannique passait une loi en vue « de réglementer la population chinoise. » Cette loi était précédée de l’exposé des motifs suivant : «… Attendu que les Chinois ne sont pas disposés à se soumettre à nos lois ; que leurs habitudes et occupai ions diffèrent, de celles de nos concitoyens ; qu’ils se soustraient au paiement des taxes justement dues au gouvernement ; qu’ils sont gouvernés par des habitudes infectes (gorverned by pestilential habits ) ; qu’ils ne sont bons à rien en cas de danger ; qu’ils ont l’habitude de profaner les cimetières pour en exhumer les corps ; attendu en général que les lois qui régissent les blancs sont reconnues inapplicables aux Chinois, et que ceux-ci sont adonnés à des coutumes qui mettent en danger le confort et le bien-être de la société… » La rhétorique ne fleurit pas en Colombie britannique ; le parliamentary draftsman y est peu familier avec les euphémismes parlementaires. L’Australie est plus au fait de l’art d’habiller sa pensée au goût de la « civilisation européenne. » Le Premier de Melbourne télégraphie à lord Salisbury, le 11 avril 1888 : « Le Chinois vient sans sa femme et ses enfans, n’ayant pas sans doute intention de se fixer ; il se tient toujours à l’écart ; « le quartier chinois » dans nos grandes villes est légendaire, toujours distinct et souvent noté d’infamie. Ce n’est pas là le fait de l’isolement, non ; mais c’est parce qu’en aucun cas il ne saurait en être autrement. Le Chinois est si différent de nous, qu’un mélange des peuples est impossible. Il n’est pas seulement de race étrangère, mais il resto étranger parmi nous… L’existence au