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diminution de 18 millions d’habitans ; même diminution dans les provinces de Tchekiang et Kiang-Sou, toutes deux situées dans la vallée du Yang-tse ; pendant la même période, le Yunnan s’accroissait de 6 millions, le Sze-Chuen de 45 millions d’habitans.

Les causes d’accroissement de la population en Chine n’ont pas cessé d’opérer : ce sont le soin apporté à la culture, la fertilité du sol, le souci qu’ont les parens devoir leurs fils mariés à dix-huit ans, le désir qu’ont les femmes de se marier à dix-sept ; le partage égal des héritages entre les fils ; les habitudes d’épargne enracinées dans le peuple ; le caractère laborieux et l’habileté manuelle du Céleste. Si des Chinois se sont vus contraints de quitter leurs foyers pour aller chercher fortune à Cuba, au Pérou, aux États-Unis, dans les colonies britanniques, c’est par la même raison que d’autres ont dû émigrer à l’intérieur. Les provinces se peuplaient et se dépeuplaient tour à tour, suivant que les cataclysmes physiques ou les catastrophes sociales atteignaient l’une ou l’autre. Les inondations formidables de plusieurs grands fleuves, les longues et sanglantes rébellions des Taïpings et des musulmans ont été les principales de ces causes accidentelles. « Dans ses vastes domaines, la Chine a de la place pour tous ses prolifiques enfans. Elle n’a nul besoin de recourir à l’émigration ; ce qu’il lui faut, c’est une organisation convenable qui répartisse également la population. Dans la Chine propre, particulièrement aux endroits qui furent les foyers de la rébellion des Taïpings, des terres en grand nombre sont tombées en jachère : en Mandchourie, en Mongolie, dans le Turkestan chinois, d’immenses espaces de pays sont demeurés vierges des atteintes de la charrue. Non-seulement pour des motifs économiques, mais aussi pour des raisons stratégiques, la colonisation de ces territoires excentriques est devenue indispensable. Le gouvernement impérial l’a reconnu récemment, et il n’a cessé depuis lors d’encourager, dans certaines parties très peuplées de l’empire, un mouvement centrifuge de la population[1]. » Le développement des moyens de communication, en même temps qu’il facilitera cette colonisation intérieure, en rendant plus accessibles les districts situés à la périphérie, réduira la fréquence des famines en permettant aux inégalités des récoltes dans les diverses provinces de se compenser pur des échanges opérés à temps.

Toutes ces raisons tendent à prouver que la Chine actuelle possède dans son sol des ressources suffisantes pour nourrir une population plus nombreuse encore que celle qu’elle renferme. Une dernière considération viendra rassurer les esprits tourmentés de la crainte d’une inondation humaine, inévitable dans l’avenir :

  1. Marquis Tseng.