virile, en leur apprenant à supporter la douleur, à braver le danger, à s’endurcir aux privations comme à la fatigue et à ne pas attacher au bien-être plus d’importance qu’il n’en mérite. Les hygiénistes réclament depuis longtemps cette réforme de l’éducation. J’en ai moi-même fait ressortir la nécessité[1]. Cette fois nous n’avons pas prêché dans le désert. La croisade que nous avons entreprise a porté ses fruits. Des sociétés se sont formées pour la propagation des exercices physiques dans les écoles et les lycées. Elles ont fondé des journaux[2] et font une propagande active. Cette question d’hygiène pédagogique fera l’objet d’un des congrès qui se réuniront cette année, à l’occasion de l’exposition universelle ; enfin, par un arrêté en date du 8 juillet dernier, le ministre de l’instruction publique a institué une commission pour l’étude des améliorations à introduire dans le régime des lycées et des collèges, et les exercices physiques sont à l’étude dans une de ses sections. Tout fait espérer que les jeunes gens élevés d’après ces nouveaux principes seront plus vigoureux et plus énergiques que leurs devanciers.
La suppression de la douleur a été pour quelque chose dans l’exagération de sensibilité qu’on observe surtout dans les classes élevées de la société ; mais ce n’est pas le seul préjudice qu’elle leur ait causé. Elle y a introduit deux vices complètement nouveaux : l’ivresse de l’éther et l’abus de la morphine.
L’insensibilité profonde qu’amènent les inspirations d’éther à haute dose est précédée de l’ivresse la plus délicieuse qu’il soit possible d’imaginer. C’est un enchantement dont on ne peut se faire une idée que lorsqu’on en a savouré le charme, un bien-être ineffable, un bonheur de vivre dont rien n’approche dans la vie réelle. Des visions charmantes, et qu’il est possible de prolonger, vous conduisent doucement à un sommeil léger qui se dissipe au bout de quelques instans, sans trouble, sans malaise, et qui ne laisse après lui que le souvenir du bonheur ressenti et le désir de l’éprouver encore.
Cette ivresse était connue longtemps avant la découverte de l’anesthésie. Humphry-Davy avait, dès le siècle dernier, signalé