Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 92.djvu/857

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Entravé par cet obstacle, l’art de guérir se trouvait en présence d’un nouveau problème plus difficile à résoudre que le premier ; mais, encouragé par le triomphe qu’il venait de remporter sur la douleur, il se -mit à chercher, avec une ardeur nouvelle, le moyen de vaincre à son tour le danger. Cette poursuite a duré plus de vingt ans ; mais elle a été couronnée par le succès le plus éclatant. Ce fait laissera dans l’histoire de notre siècle une trace assez profonde pour que je n’hésite pas à l’exposer sommairement ici.

A l’époque à laquelle nous nous reportons, les causes de la mortalité excessive que subissent les blesses dans les hôpitaux n’étaient déjà plus un mystère. On n’ignorait pas que les accidens qui les enlèvent sont analogues aux lièvres graves et, comme elles, le résultat d’un empoisonnement. On savait que l’agent toxique est transmis d’un sujet à l’autre par l’air qui les entoure, par les personnes qui les approchent et les objets avec lesquels ils sont en contact, et qu’il pénètre dans l’organisme par la surface des plaies. On s’expliquait dès lors que les chances de contamination fussent d’autant plus grandes que les blessés étaient plus nombreux, les salles plus encombrées, la propreté plus défectueuse ; mais on ignorait complètement la nature de l’agent délétère et les moyens de le combattre.

C’était quelque chose toutefois que d’avoir posé, dans des termes précis, le problème de l’intoxication nosocomiale, parce qu’on savait dans quelle direction il fallait marcher pour en trouver la solution. Trois voies différentes se présentaient à l’esprit ; on pouvait empêcher le poison de naître, le détruire une fois formé, ou s’opposer à sa pénétration dans l’organisme. Chacune de ces routes fut suivie par les expérimentateurs. Les chirurgiens, habitués à tout demander à la médecine opératoire, s’évertuèrent à inventer des méthodes nouvelles pour oblitérer les vaisseaux, en divisant les tissus et pour fermer ainsi la porte à l’agent infectieux. Ces procédés, quoique peu barbares, auraient été absolument inapplicables, si l’anesthésie n’avait pas été découverte auparavant ; quelques-uns d’entre eux ont survécu pour remplir des indications spéciales. Les chimistes, de leur côté, cherchaient des substances susceptibles de neutraliser le poison. Ils imaginaient des pansemens préservateurs, et nous verrons bientôt que cette direction était la bonne étique c’est elle qui a conduit au succès. Les hygiénistes réclamaient l’assainissement du milieu nosocomial et, pendant de longues années, ils ont dirigé, contre les vieux hôpitaux, encombrés, sombres, humides et mal tenus, une croisade habilement conduite et qui a porté ses fruits. C’est à partir de cette époque que les règles qui doivent présider à la construction de ces établissemens ont été définitivement posées. Ceux qui se sont élevés depuis laissent peu