« Autrefois, les rois sortaient pour leur plaisir : c’était la chasse et d’autres amusemens de ce genre. Moi, le roi Piyadasi aimé des dieux, dans la onzième année après mon sacre, je me suis mis en route pour l’Illumination parfaite. C’est, dès lors, dans une pensée religieuse qu’ont été dirigées mes sorties : la visite et l’aumône aux brahmanes et aux çramanas, la visite des vieillards, les distributions d’argent, la visite du peuple de l’empire, l’enseignement de la religion, les consultations sur les choses religieuses. Tel est, depuis lors, le grand plaisir du roi Piyadasi aimé des dieux, »
Le premier passage ne s’expliquait point sur la confession nouvelle adoptée par le roi; celui-ci tranche la question : c’est bien le bouddhisme qu’il a embrassé : il s’est « mis en route pour l’Illumination parfaite. » La Samhodhi, c’est-à-dire l’illumination de la sagesse absolue, est le but même, le but le plus sublime du bouddhisme, cette perfection de l’intelligence qui n’assure pas seulement le salut individuel, mais qui constitue la dignité de Bouddha, qui, récompense suprême de longs efforts et de mérites infinis, transfigure un homme par un rare privilège en dispensateur infaillible de la vraie loi. « Se mettre en route pour la Sambodhi, » c’est, dans la langue et dans le sens des bouddhistes, « entrer dans les voies de la perfection. » Ici, le roi rapporte ce pas décisif à la onzième année de son sacre ; tout à l’heure, c’était dans la neuvième qu’il plaçait sa conversion. D’où vient cette contradiction apparente? Un autre édit nous en donne la clé :
« Voici ce que dit le roi aimé des dieux. J’ai, pendant plus de deux ans et demi été oupâsaka (c’est-à-dire j’ai fait profession de bouddhisme, oupâsaka est le nom des fidèles laïques), mais sans déployer grand zèle. Voici plus d’un an que je me suis rendu dans l’assemblée du clergé; et, depuis lors, des hommes qui étaient les véritables dieux de l’Inde, j’ai fait des faux dieux. Ce résultat est le prix du zèle; la puissance n’y suffit pas. Le plus humble, avec du zèle peut s’assurer le ciel. De là ces exhortations. Que petits et grands déploient du zèle, que les peuples étrangers eux-mêmes soient instruits de mes sentimens; que le zèle soit durable, et il se fera un progrès, un grand progrès, un progrès infini... »
Açoka distingue donc deux dates dans sa vie religieuse : il fait d’abord acte d’adhésion aux idées bouddhiques ; mais c’est seulement plus de deux ans et demi après qu’il affirme ses sentimens par une sorte de profession solennelle dans l’assemblée du clergé, qu’il commence à se mettre entièrement au service de ses idées nouvelles, à les recommander de ses avis, à les répandre par ses institutions. Un peu plus tard, il s’adresse directement à ce clergé avec lequel il est entré en relations intimes. C’est par ce que nous appelons l’édit de Bhabra :