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une sanction, sans une menace. Comme type de réglementation, c’est bien l’enfance de l’art : une extrême complication combinée avec une parfaite impuissance. Mais ce qui nous importe, c’est de connaître les sentimens du roi, comme le reflet et l’expression des sentimens et des principes propres à la religion qu’il professe. Le respect de la vie animale y tient une large place. Les hommes ne sont pas oubliés. Il se félicite à l’occasion d’avoir assuré partout des soins médicaux aux hommes et aux bêtes, d’avoir répandu en tous lieux les plantes, les fruits utiles.

Nous l’avons entendu résumer les devoirs qu’il considère comme les plus pressans : un respect inviolable pour l’âge, pour les chefs de famille, pour les représentans de la religion ; des égards pour tous jusqu’aux plus humbles, l’aumône aux brahmanes et aux ascètes ; il y revient à dix reprises, sans se lasser, et sous les formes les plus diverses, y ajoutant d’ordinaire l’aumône des conseils religieux, ce devoir d’édification mutuelle qui lui tient tant au cœur.

En avançant dans sa carrière, il semble s’élever à un langage plus théorique, à des considérations plus générales et plus compréhensives. Il s’essaie dans un des édits sur colonnes à donner une définition de cette loi religieuse, le dharma, qu’il s’épuise à prêcher :

« La loi religieuse (dharma) est excellente. Mais, dira-t-on, quelle est cette loi? Elle consiste à commettre très peu de mal, à faire beaucoup de bien, à pratiquer la pitié, la charité, la véracité, la pureté de vie. J’ai fait beaucoup d’aumônes : sur tous les êtres, hommes, animaux de toute sorte, j’ai répandu toute sorte de faveurs, jusqu’à prendre soin de leur assurer de l’eau potable... Qui agira de la sorte fera le bien... On est trop porté à ne voir que ce que l’on fait de bien ; on se dit : j’ai fait telle bonne action ; on ne voit pas le mal ; on ne se dit pas : j’ai commis telle action mauvaise. Sans doute, cet aveu est pénible ; il faut pourtant se surveiller soi-même, se dire : Tels actes sont des péchés, comme l’emportement, la cruauté, la colère, l’orgueil. Il faut bien se dire : Je ne céderai pas à l’envie, je ne calomnierai point ; par là j’assurerai mon bonheur ici-bas et dans l’au-delà. »

Ici apparaît la seule sanction que, avec l’avantage de lui plaire et d’entrer dans ses vues, le roi offre en perspective à ses sujets. Elle complète ses enseignemens. Il y insiste souvent : c’est le bonheur ici-bas, et, après la mort, le Svarga, le ciel, c’est-à-dire le ciel tel que le conçoit l’imagination populaire des Indous, la renaissance dans un de ces étages célestes où se continue pour de longues périodes la vie terrestre élevée en quelque sorte à une puissance supérieure, élargie par des facultés plus subtiles, comblée de plaisirs sans dégoût et sans lassitude.