Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 92.djvu/893

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

département des Deux-Sèvres. Ces limites n’ont d’ailleurs qu’une exactitude approximative. Le théâtre de la guerre n’y est pas tout entier enfermé, et elles dépassent, d’un autre côté, le théâtre de l’insurrection. L’usage les a toutefois consacrées, et, par une réaction naturelle du nom sur la chose, elles circonscrivent réellement aujourd’hui le pays de Vendée. C’est assez pour le reconnaître ; ce n’est pas assez pour en expliquer la formation. Quelques détails qui se répètent d’une histoire à l’autre sur la configuration du sol et sur les causes locales de l’insurrection n’expliquent pas davantage comment une vraie province s’est trouvée tout d’un coup et spontanément constituée dans une contrée jusqu’alors partagée entre trois provinces. Le sol vendéen n’est pas seulement bocage, il est marais, et ces deux divisions ne lui appartiennent pas en propre. Il ne peut pas davantage revendiquer pour lui seul les causes qui ont soulevé une partie de ses habitans contre la révolution. Enfin, la guerre civile a sévi ailleurs, soit à l’époque révolutionnaire, soit dans d’autres périodes de notre histoire ; elle a été aidée ailleurs par des circonstances du même ordre : elle n’a, nulle part ailleurs, créé et laissé subsister après son extinction l’unité d’une province. La question reste donc entière.

M. Célestin Port n’a pas plus que ses devanciers traité cette question ; mais, si nous l’avons bien comprise et si nous en avons entrevu la solution, nous le devons surtout à ce travail si exact et si précis dans la plupart de ses détails. Nous n’avons pu faire les mêmes emprunts aux Représentans du peuple en mission de M. Wallon, dont la publication a suivi de près la Vendée angevine et dont le premier volume a précisément pour sujet particulier la Vendée[1]. L’objet de cet excellent ouvrage n’est pas, en effet, la Vendée elle-même, mais le rôle des agens envoyés du dehors pour la conquérir, de gré ou de force, à la révolution. Nous y avons trouvé toutefois de précieux renseignemens sur l’esprit des populations vendéennes, principalement dans les deux chapitres sur les colonnes infernales et sur les tribunaux et commissions militaires. Nous en avons tiré d’autant plus de profit que, si le livre est aussi très passionné, dans un autre sens, la passion ne se montre que dans le ton des récits et n’enlève rien ni à l’exactitude scrupuleuse des faits ni à l’esprit de justice dans leur appréciation générale[2]. Nous devons également beaucoup aux

  1. Le second volume, qui embrasse toute la région de l’ouest, touche aussi aux guerres de la Vendée.
  2. Nous ne mentionnons pas les histoires générales de la révolution, non plus que les histoires particulières des guerres de la Vendée et les Mémoires. Nous ferons toutefois une exception pour les Mémoires de la marquise de La Rochejaquelein, dont le texte original vient d’être publié pour la première fois par son petit-fils. C’est, pour cette époque, le document le plus attachant et non le moins sûr.