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consentirait volontiers à tout le reste de la révolution[1]. » Dès les premiers soulèvemens, La Réveillère-Lépeaux, le futur directeur ; parcourant les Mauges, en mission officielle ; recueillait des témoignages semblables. « Les habitans de la Poitevinière, dit-il dans son rapport manuscrit, reconnurent sans hésitation que la constitution était absolument à l’avantage du peuple et protestèrent de leur ferme résolution de la maintenir tout entière, hormis le serment des prêtres[2]. » On sait enfin ; que la Basse-Vendée se détacha de Charette, dès les premières espérances d’une pacification religieuse, après le 9 thermidor, et qu’il se l’aliéna tout à fait par le meurtre d’un prêtre. La chouannerie bretonne, opérant par de petits corps éparpillés, a pu s’inspirer de passions politiques : l’insurrection vendéenne, agissant par de véritables armées, n’a été animée que d’une passion commune : l’exaltation du sentiment religieux.

Le sentiment religieux n’a pas été toutefois la cause directe et déterminante du soulèvement général. Le mécontentement n’aurait peut-être suscité, comme dans le reste de la France, que des révoltes partielles, s’il ne s’y était ajouté un dernier grief : le service militaire. L’exemption de la milice était un privilège des Marches, très envié dans tout le pays environnant. Le recrutement avait toujours paru odieux. C’était un des abus dont on attendait l’abolition du nouveau régime. On s’était prêté, ici avec froideur, là avec plus ou moins d’enthousiasme, à l’appel des volontaires : on se refusa au service forcé. L’irritation qu’il excita fut unanime. Ennemis et partisans de lui révolution furent, pour une fois, d’accord. La cité républicaine de Cholet fut des premières à se soulever. Le mouvement s’apaisa toutefois, comme de lui-même, parmi les patriotes. Les chefs qu’ils étaient habitués à suivre eurent d’autant moins de peine à leur faire entendre raison, qu’ils voyaient autour d’eux l’insurrection s’étendre au profit de la contre-révolution, et menacer tous les intérêts qui, depuis trois ans, les attachaient à la cause révolutionnaire. Chez ceux, au contraire, que tant d’autres causes éloignaient déjà de la révolution, tout contribuait à entretenir l’esprit de révolte. Ils le portaient en eux-mêmes ; ils entendaient des voix respectées, voix de prêtres, voix de bourgeois, voix de petits gentilshommes, à demi paysans eux-mêmes, l’exciter et le glorifier comme le dernier espoir de la religion persécutée et de la patrie déchirée ; enfin, lui nouvelle croisade ne trouvait pas seulement des prédicateurs éloquens, des généraux se montraient de tous côtés, prêts pour la conduire. C’est ainsi que se transformèrent tout d’un coup en une vaste guerre civile les insurrections locales.

  1. La Vendée angevine, t. II, p. 332.
  2. Ibid., t. Ier, p. 344.