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mécontentement, pourra apaiser cette guerre intestine qui a introduit dans toutes les familles une ennemie : la mère de famille ? » L’auteur de la Vendée angevine ne dit pas assez. La révolution, par la constitution civile du clergé et par l’application de plus en plus violente qui en fut faite, ne s’était pas attiré seulement l’inimitié des mères, mais celle de bien des pères, et la sagesse manqua longtemps, même dans les jours de réaction, pour en conjurer les effets.

Le pays vendéen, depuis la pacification, se prête aussi docilement que toutes les autres parties de la France à toutes les charges financières et militaires. On y murmure sans doute contre l’excès des unes et des autres, mais on paie sans résistance, et on fait bravement son devoir dans les casernes, comme on l’a fait sur les champs de bataille dans toutes les guerres du consulat, des deux empires, des deux royautés et des deux dernières républiques. Seul, l’attachement au clergé subsiste dans toutes les communes qui ont pris part à l’insurrection. La Vendée, au point de vue religieux, est restée ce qu’elle était il y a cent ans. La plaine et le marais méridional sont, non pas peut-être incrédules, mais, chez les hommes du moins, indifférens aux dogmes et aux pratiques, et hostiles aux influences cléricales. Le bocage méridional est partagé. Le bocage septentrional et le marais occidental sont, en très grande majorité, non seulement croyans et pratiquans, mais habitués à suivre, en toute matière, les conseils et l’impulsion des curés. On n’irait pas cependant jusqu’à l’insurrection armée. Ni l’état du pays ni les mœurs ne s’y prêteraient. On l’a bien vu en 1832, lorsque la duchesse de Berry, plus téméraire que n’avait été en 1793 son beau-père, le futur Charles X, essaya de soulever de nouveau la Vendée. Elle trouva des chefs : elle ne trouva pas de soldats. La tentative n’aboutit qu’à l’héroïque folie de la Pénissière ou à l’échauffourée ridicule du Port-la-Claye. On ne se battrait plus à la voix des prêtres pour la royauté, on ne se battrait plus même, au moins sous la forme d’un soulèvement général, pour la religion. On verrait cependant, on voit encore des émeutes, comme celles qui ont précédé la guerre civile, lors de certaines laïcisations. On voit les autorités insultées, menacées, parfois frappées. On voit les nouveaux instituteurs bafoués et mis en quarantaine, comme les prêtres constitutionnels en 1791. Ce sont là, d’ailleurs, des crises exceptionnelles. Dans la vie ordinaire, le curé garde l’autorité qu’il avait en 1789. On lui paie encore, dans quelques paroisses, une dîme on nature sous le nom de boisselage[1]. Il est le conseiller de ses paroissiens

  1. On a même, pendant longtemps, continué de lui payer certaines redevances abolies par la révolution. J’ai possédé, par héritage, une propriété qui restait ainsi grevée pour la conscience des fermiers, malgré les déclarations formelles et réitérées des propriétaires dans tous leurs baux.