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réussir les expériences de ce genre. Le grand naturaliste anglais Hunter a cru que l’on pourrait prolonger fort longtemps la vie des hommes si on les soumettait de temps à autre à la congélation. Il pensait que, si l’on les congelait pendant quelques années à plusieurs reprises, le terme moyen de la vie pourrait être beaucoup reculé ; mais par malheur l’opération dont il s’agit amène la mort au lieu de prolonger l’existence.

Considérons maintenant les organismes homéothermes, les êtres dont la température à peu près fixe ne suit guère les oscillations thermiques du milieu extérieur. Un mammifère ou un oiseau résiste à des froids considérables. Si c’est un indigène des régions froides, muni d’une épaisse fourrure ou d’un plumage chaud, et en situation de se procurer la nourriture dont il a besoin, il peut vivre dans un milieu à 50 degrés au-dessous de zéro, sa température restant fixe et normale. Il en est de même pour l’homme, qui, en se garantissant bien par des vêtemens appropriés, résiste aisément à d’aussi basses températures, surtout s’il n’y a pas de vent. Chacun sait, en effet, et par expérience, combien un froid léger avec vent est plus pénible à supporter qu’un froid intense sans vent. L’explication de ce fait est très simple : le vent a pour effet de dépouiller sans cesse le corps de la couche d’air tiède qui se forme entre lui et les vêtemens, et de faciliter considérablement la radiation, la déperdition de calorique, en substituant à celle-ci de l’air froid.

Mais que se passe-t-il, dans les conditions expérimentales ou naturelles, quand l’animal ou l’homme est soumis à l’action d’un froid intense? L’organisme résiste pendant un certain temps, mais la résistance a ses limites, variables, il est vrai, selon l’espèce et selon les conditions. Il vient forcément un moment, si le froid s’accentue ou se prolonge, où l’organisme n’est plus en état de produire assez de chaleur pour résister au froid, ou, ce qui revient au même en pratique, où la déperdition est par trop considérable, la production demeurant suffisante. Dès ce moment la température propre de l’animal s’abaisse. Cet abaissement demeure compatible avec la vie, jusqu’à un certain point qui varie selon les espèces. Tel animal peut voir sa température baisser de 15 ou 20 degrés : le lapin, par exemple, peut passer de 38 ou 40 degrés à 20 degrés ; l’homme peut descendre à 26, à 25 degrés et même à 24 degrés, d’après les observations authentiques de Reinke et Nicolayssen sur des ivrognes, sans mourir nécessairement de cet abaissement considérable de température. Il ne semble pas toutefois, d’après les expériences de Claude Bernard, de Magendie et d’autres physiologistes, que l’on puisse impunément abaisser la température d’un animal homéotherme au-dessous de 20 degrés centigrades. A 20 degrés, il meurt presque sûrement : au-dessous,